Lettre du 18 avril 1917 de Marcel Sibaud

Valréas, le 18 avril 1917

 

Ma petite chérie,
Je suis heureux de savoir qu’il n’est plus question de rhume pour sœurette ni trace de malaise pour Yves et que ta mère va mieux. Mais je regrette pour l’ennui qu’il te cause l’état d’énervement dans lequel elle se trouve. Je ne voudrais pas te savoir encore cet ennui qui s’ajoute aux tracas que tu te fais.
J’ai pu obtenir aujourd’hui l’entretien dont je t’ai parlé précédemment. Naturellement je n’ai rien eu de ferme quant à mon succès éventuel. Mais l’ensemble de la conversation me laisse bon espoir, meilleur même que je n’osais l’espérer. En effet j’ai eu confirmation que pour la coloniale tout se fait au ministère, au hasard, pense-t-on. Et mon interlocuteur m’a dit « en tous cas vous allez sans doute demander le 23e colonial ». Il me déconseille, oh mais très fortement, Salonique à divers points de vue. Pour la mitraille rien ne lui paraît s’opposer à ce que je n’ai quelle de ce côté, non plus d’ailleurs du côté des Sénégalais. Mais ce qui me paraît meilleur, c’est qu’il envisage ma titularisation, voire comme lieutenant, me faisant remarquer le mauvais effet que cela pourrait avoir sur les gens non avertis de me voir à la révision des grades redevenir sergent. Si donc on envisage ma titularisation possible, c’est que mes notes ne seraient pas trop mauvaises. En causant j’ai su qu’aucune réponse n’a encore été adressée à ton oncle, mais qu’il y en aura une : ce sera sans doute l’annonce du résultat final. En tous cas je puis me féliciter d’être venu cette fois, puisque c’est le dernier cours. Dorénavant on ne passera plus directement sous-lieutenant. On ira dans les écoles de la zone des armées où l’on obtiendra un diplôme, condition sine qua none pour devenir officier sur le front au fur et à mesure des besoins.
Ainsi donc si tu vois qui tu sais : sauf occasion meilleure, je songe au 23e colonial et orientation vers la mitraille. Mais je ne suis pas fixé irrévocablement et choisirais volontiers telle autre, voire qui paraîtrait meilleure, voire les Sénégalais, mais de préférence pas Salonique.
Le travail donne encore pas mal et dimanche je vais à La Palud. J’écris à la caisse à A. en lui demandant de transmettre une lettre à Mme Martin. L’instructeur de mitrailleuse nous a communiqué son cours manuscrit qui est assez long. Nous n’avons guère le temps de le copier. Il y a bien ici un dactylo mais il n’est ni habile ni rapide ni raisonnable comme prix. Je demande à Mme Martin si elle se chargerait du travail et à quelles conditions.
Je te quitte ma petite chérie en t’embrassant mille et mille fois.

Ton Marcel

Bons baisers aux petits. Amitiés aux mamans.

T’ai-je dit que j’ai reçu un mot de Delaunay qui me demande de mes nouvelles et me souhaite d’instruire le plus longtemps possible la classe 1918. Je doute que son souhait se réalise.
D’après les derniers tuyaux, les Anglais après avoir cru à une guerre très longue la croiraient près de finir.


Commentaires fermés sur Lettre du 18 avril 1917 de Marcel Sibaud

Filed under Lettres de Marcel Sibaud

Comments are closed.