Lettre du 30 mars 1917 d’Emilie Sibaud

 Vincennes, le 30 mars 1917
Vendredi matin

 

Mon chéri,
J’ai reçu comme d’habitude ta lettre hier à 3h ½, mais je n’y réponds que ce matin, car hier j’avais un violent mal de tête qui m’a obligé à me coucher de bonne heure. Au courrier du soir, j’ai reçu une peu gracieuse lettre de mon oncle Bellet. J’avais totalement oublié de lui envoyer les reçus qu’il nous avait envoyés, t’en souviens-tu quelques jours avant ton départ. J’ai eu d’autres choses à penser et ma foi quand j’ai écrit pour la naissance, je n’y ai pas encore songé. S’il n’y avait pas les petits je te promets, que je ne lui répondrais pas ! tellement sa façon de faire est grossière !
Je t’écris sur un papier mince, car je te mets 2 lettres et 2 enveloppes et je crains le poids.
Vais-je sortir aujourd’hui ? Voilà encore de la pluie, c’est désolant, il faut pourtant que je me décide. Je vais t’envoyer l’argent demain ou après-demain. Pour la boussole je vais demander à ta mère d’aller me l’acheter car je ne sors pas et maman ne peut non plus trop s’absenter. D’un autre côté je ne voudrais pas trop te faire attendre, mais ta mère n’ira que jeudi à Paris et encore ! Enfin tu la trouveras toujours en venant à Pâques, je ne trouve pas du tout que ce soit une dépense inutile. Mais où faut-il l’acheter, où est la maison, tu ne le dis pas. Je tiens les fonds à ta disposition ainsi que pour ton porte carte.
Tes souvenirs pour Toto sont exacts. Sœurette est plus forte que lui. Demain je vais la peser de nouveau, cela fera 8 jours. Je mets le poids à côté de celui d’Yves sur le brouillon de ses poids. Toujours sage sœurette. Mme Huet est venue la voir hier, elle ne se lasse pas de l’admirer. Elle a un faible pour elle, « qu’elle est jolie ! Quel teint clair ». Se tient-elle droite, jamais je n’ai vu un si petit être si avancé. A son avis Roger et Yves n’étaient rien à côté ; en tout les cas, elle est plus agréable qu’eux au point de vue de l’exigence ! Et pour une petite fille, je crois qu’il vaut mieux qu’elle soit douce ! N’est-ce pas ton avis ? Yves a sa 2e pesée faisait 3K950, de combien sœurette aura-t-elle augmenté ? Il y a sa petite bande de ventre, mais je l’ai décompté après, bien entendu. Dans ma précipitation à t’écrire le poids, j’avais mis 4K350 croyant t’écrire 4K300, du moins je crois. Je te les remis le lendemain.
La dernière réflexion d’Yves : ce matin, je dis à sœurette « viens ma petite mignonne, viens prendre ta tétée », alors Toto copiant ma voix « viens ma petite mignonne, viens prendre le bon tété, viens prendre ta bouteille comme dirait ta grand-mère Sibaud ». Il disait cela sérieusement, j’aime le « comme dirait ». Il a été vexé parce que j’ai rit, il m’a dit « grand-mère dit toujours ça, il n’y a rien de drôle à dire ça ». Mardi il lui a encore caché ses affaires, il devient farceur.
Je me demande si elle s’y met quand l’Amérique se mettra en guerre ?
Je te quitte en t’embrassant bien tendrement de tout cœur.
Tout à toi.
Emilie

 

[Ligne d’Yves]
Mon cher papa,
Je n’ai pas beaucoup de place pour t’écrire mon petit mot, juste la place pour te dire que je t’embrasse bien fort et sœurette aussi.
Ton petit Yves


Commentaires fermés sur Lettre du 30 mars 1917 d’Emilie Sibaud

Filed under Lettres d'Emilie Sibaud, Lettres des enfants

Comments are closed.