Lettre du 25 mars 1917 de Marcel Sibaud

Valréas, le 25 mars 1917

 

Ma petite chérie,
Aujourd’hui repos physique complet. Levé seulement à 7 heures en raison de l’avance de l’heure. Ciel pur mais toujours du vent et un froid de canard. Cela m’a décidé à ne pas bouger. J’ai fait ma toilette ; les chaussettes blanches sont vraiment une chose très pratique. Bien que n’ayant pu me laver dimanche dernier, j’étais absolument propre. Recousu quelques boutons, coup de brosse à mes souliers, à mon fusil, corvée de blanchissage. Cela m’a mené au déjeuner à 10 heures. Eté voir le communiqué toujours très bon. Puis travail, mise à jour. Mais bien frais ! Enfin reçu ta lettre.
Je vois que vous n’avez pas chaud non plus : l’hiver se prolonge ; or ici un dicton à cours d’après lequel un hiver rigoureux en temps de guerre est le dernier de la guerre. Il ne faut pas t’étonner que la progression soit moins rapide. Tu penses bien qu’on ne peut avancer que prudemment dans le chaos des routes bouleversées, des champs et des villages ruinés, etc. Pour ne pas courir au devant des pires dangers, il faut rétablir les communications pour que les munitions puissent arriver en masse. Or il semble que nous y parvenons fort bien puisque 2 forts de La Férée sont tombés. Les Allemands avaient dû les organiser aussi bien que possible ; si nous les avons pris, c’est je suppose que notre grosse artillerie nous suit pas à pas. Or je coirs bien que La Férée est sur une ligne de résistance sur laquelle comptaient les boches. Nous les menaçons sérieusement. Il semble qu’une grande bataille soit proche, bataille à ciel ouvert comme La marne et alors le résultat ne paraît pas douteux. Cette bataille perdue, ce serait pour eux un recul énorme ! La France purgée avant que je quitte l’école !
L’adresse de Maria est Mme Heckel 86 bis Boulevard de la Liberté à Sens (Yonne).
J’attends avec impatience le résultat de la pesée de sœurette. Je suis heureux de savoir que tu te remets bien.
Je comprends ton ennui en entendant éternuer la mignonne ; un rhume eut été bien ennuyeux ; tant mieux su ce n’est rien. N’hésite pas à vous chauffer tant que besoin est. D’après ce que tu me dis d’Yves, je ne doute pas de trouver qu’il a changé, c’est à son avantage. Je serai vraiment content, bien content de le revoir campé dans sa petite culotte et se mettant à bafouiller à force de vouloir dire des choses.
Je ne saurais te dire si j’ai maigri ou engraissé. Je mange beaucoup et ai bon appétit mais je dépense tant que je ne crois pas avoir gagné. Heureusement je me sens bien et ne tousse pas du tout.
Je te quitte ma petite chérie en t’embrassant de tout cœur bien des fois ainsi que les petits.
Ton Marcel


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