Lettre du 13 mars 1917 d’Emilie Sibaud

Vincennes, le 13 mars 1917
Mardi soir

 

J’ai reçu à 3 heures ta lettre du 10. Tout de suite le début m’a plu, « les jours se suivent et ne se ressemblent pas », tu semblais mieux en train qu’hier.
Je profite comme hier au soir du sommeil des deux petits pour t’écrire ; les journées me semblent si longues ! Ta lettre est venue me tirer de la tristesse où j’étais plongée. J’ai lu avec plaisir les détails et les descriptions que tu me donnais. Je suis contente aussi que mon oncle t’ait écrit. J’ai envoyé un mot à Suzanne pour demander des nouvelles de René et lui demander d’être marraine.
Ce soir Madame Sibaud a apporté pour sœurette un petit kimono de laine blanche que lui a fait Madeleine Boucher. Il est très mignon. Dimanche je n’avais pas vu Mme Sibaud et j’étais un peu inquiète, j’avais oublié qu’elle allait chez les A… je ne sais pas écrire leur nom, enfin la jeune fille qui donne des cours de diction ; et hier j’avais écrit à ta mère pour lui demander de ses nouvelles. Elle est venue aujourd’hui et m’a tranquillisée, c’était moi qui n’avait pas porté attention. Elle trouve comme moi que sœurette te ressemble, c’est peut-être pour cela que je l’aime tant et puis elle est si douce. Elle grossit à vue d’œil et devient bien mignonne. Elle se redresse si drôlement. Yves vient faire son câlin de temps en temps avec sœurette et maman ; nous nous blottissons tous les trois l’un près de l’autre. J’ai besoin de les sentir près, tout près de moi, il me semble qu’alors je suis moins seule ! Si je ne les avais, je ne sais ce que je deviendrais ! Voici 10h je te quitte pour ce soir en t’envoyant mes plus tendres baisers, un dernier coup d’œil à ton portrait et à nos deux petits anges et je vais essayer de dormir.
Je reprends ma lettre ce matin. Les enfants ont bien dormi, je viens de faire la toilette à sœurette et de lui donner à téter. Elle est allongée et regarde ce qui se passe dans la pièce. Yves court déjà dans l’appartement. Il ne pense qu’à se lever pour aller regarder ses « affaires » comme il dit. Peut-être te lirais-je à 3h ? J’en serais bien contente, c’est pour moi le meilleur moment de mes trop longues journées.
Le temps n’est pas froid mais toujours gris. Ce que tu me dis pour la guerre de mouvement me fait trembler ; que je voudrais nous voir réuni et cette guerre finie !
Je trouve très bien que mon oncle approuve l’arrivée en second de sœurette, seulement je ne vois pas la nécessité d’un troisième avant la fin des hostilités [cf. Lettre du 10 mars de MS  » Ton oncle trouve parfaite la naissance de Marcelle, le 3e à son avis devrait être un garçon ! « ] ! Après mon Dieu ! Qu’importe pourvu que nous soyons ensemble ! Sœurette a fermé les yeux, la voici partie pour le pays des songes. Quelle sage petite fille nous avons là. Elle est raisonnable, c’est la guigne que tu ne sois pas là, ce n’est pas elle qui t’empêcherait de dormir. Si seulement tu venais pour Pâques, je voudrais tant te voir mon chéri. Il me semble qu’il y a des mois et des mois que tu es parti ! Les semaines sont bien longues sans toi ! Allons, au revoir mon chéri, à bientôt le plaisir de te lire, si ça pouvait être aussi de te voir. Je t’embrasse bien tendrement de tout cœur.
Tout à toi
Emilie

Sœurette et Toto joignent leurs caresses pour te les envoyer avec leurs bien plus doux baisers. Bonjour des mamans. Yves est en train d’apprendre quelque chose pour te faire une surprise !


Commentaires fermés sur Lettre du 13 mars 1917 d’Emilie Sibaud

Filed under Lettres d'Emilie Sibaud

Comments are closed.