Lettre du 14 mars 1917 de Marcel Sibaud

Valréas, le 14 mars 1917

 

Ma petite chérie,
Je commençais à m’inquiéter : pas de lettre hier, pas de lettre ce matin ! Enfin il en est arrivé 2 ce soir et chose bizarre timbrées de Vincennes à la même heure l’une le 11, l’autre le 12. Drôle de service.
J’y réponds dans l’ordre. En relisant ce que tu me dis pour cette fameuse lettre, je crois que finalement je l’ai reçue. J’en ai en effet eu une me donnant les détails que tu répètes, je ne sais plus de quand elle était datée. En tous cas je n’en ai pas de toi datée du 2. Dans le colis que je t’en envoyée, j’ai d’ailleurs mis tes lettres ; tu pourras te rendre compte.
Tu me dis qu’Yves dormait ; tu n’as donc pas crié ! Mais alors tu as dû souffrir doublement car de crier c’est une détente. Je pense alors que la doctoresse t’a trouvée courageuse ! Et toi qui dis toujours que tu es douillette. Je te félicite mais te plains de tout mon cœur. Est-ce assez bête que des choses si naturelles ne se passent sans douleur. J’ai écrit aux Huet. Tu dois le savoir maintenant. J’enverrai des berlingots au petit Roger.
Ce que tu me dis de l’accord et du développement de nos chers petits, de leur sagesse et de leur gentillesse me fait bien plaisir.
Tu me dis que tu as parlé à la doctoresse de tes malaises. Tu en as donc encore eu ? Tu ne me l’avais pas dit. Espérons que comme elle l’a dit l’allaitement te les fera passer. J’ai également écrit un mot à Mlle Campergue ainsi qu’à Mm. Lacroix. J’ai écrit aussi aux Gallo au sujet de René ?
Je viens de recevoir le colis. Il m’a fait bien plaisir, puisqu’y est compris l’eau de Cologne dont l’odeur est forte agréable. Par exemple je n’ai pas trouvé de clef pour la boîte de pâté. J’ai déjà tapé un peu dans les confitures. Ce qui m’a bien amusé c’est que tu m’envoies des berlingots que je t’ai envoyée (c’est bien cela je crois). Il a fallu qu’ils aillent à Paris et en reviennent pour que j’en goûte. Je ne suis pas comme Escande qui mange une douzaine de morceaux de nougat par jour ; un vrai gosse. Je dois dire que je trouve ces berlingots satisfaisants.
Ce pauvre Pierre Mollo est vraiment bien gentil. Qu’est-il advenu de sa situation militaire ?
Je passe à ta 2e lettre celle de dimanche lundi. Je serai très content lorsque tu pourras me donner le poids des petits. Mais que cela n’aille pas te bousculer ; non, prends tout ton temps pour te remettre.
Pauvre petit Yves qui voulait venir à côté de moi dans le lit. A 6 heures j’étais déjà levé et le cadre pour être supportable était loin de ressembler à notre belle chambre. Alors Yves voulait rester dans son lit tout seul. Te rappelles-tu la fois où il nous disait « Ma dinette enne [elle] est cassée », c’était la même chose. Quant à sœurette elle est vraiment bien agréable. J’espère qu’elle continuera à te fatiguer le moins possible.
Je continue à aller de mieux en mieux. Par exemple la cuisine doit être lourde à l’estomac. On a un appétit féroce, on mange énormément et trop vite bien que rien ne presse. Bref ce matin après déjeuner j’ai dû me remettre trop vite au travail. J’ai eu un mal d’estomac tel que je ne pouvais plus me redresser. J’ai laissé ce que je faisais et suis descendu m’étendre sur mon lit où cela n’a pas tardé à passer. Serait-ce le résultat du renforcement de la dose de vin blanc, je ne sais. Là-dessus j’ai pris un canara de rhum.
Il fait tiède tu me dis, ici le temps est toujours aux changements brusques. Aujourd’hui pluie, humidité ; ce soir ciel très pur et vent froid. Demain s’il fait beau nous avons manœuvre matin et soir. Aujourd’hui j’ai fait quelques bonnes réponses mais aussi quelques médiocres. Enfin je commence à voir un peu clair aux choses militaires.

Fleurs lettre du 14 mars 1917 de Marcel SibaudDans une course à travers les champs parsemés d’arbres en fleur, je suis tombé sur un nid de violettes. Je t’en joins quelques unes qui te porteront avec mon souvenir un peu de grand air d’ici. Aussi 2 fleurs d’amandier je crois.
Ce serait pour moi aussi une grande joie de te trouver à Pâques à la descente du train avec les 2 petits. Mais avec les retards cela vous imposerait peut-être des heures d’attente en courants d’air ; ça peut être dangereux pour sœurette sinon pour tous. Enfin nous verrons.
Une lampe électrique de poche me fera bien plaisir et me servira mais ne fais pas folies.
A 2 heures quand tu m’écrivais dimanche, j’étais possiblement en train de travailler en face de Bernados. Nous faisons de plus en plus relation. Je n’ai pas encore de réponse des dames de La Palud. Mais je crois bien que j’ai mis sur l’adresse Drôme alors que c’est Vaucluse. J’écrirai à tout hasard dimanche. Demain je « pose ma perm ».
Je te quitte ma petite chérie en t’embrassant mille et mille fois ainsi que les petits.
Ton Marcel


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