Lettre du 4 mars 1917 d’Emilie Sibaud

Vincennes, le 4 mars 1917
Dimanche matin

 

Mon chéri, j’avais reçu hier matin une courte lettre de toi, où ton état de santé laissait beaucoup à désirer, hier au soir j’ai reçu une seconde lettre qui n’aurait dû par comparaison aux autres n’arriver que ce matin, pourquoi est-elle arrivée plus tôt ? Mystère de la poste sans doute, qu’importe elle était la bienvenue puisqu’elle m’apportait de tes nouvelles qui semblaient moins mauvaises, mais que cette petite amélioration n’aille pas t’empêcher de consulter.
Je n’ai pas encore reçu tes impressions sur la naissance, j’espère que demain ta lettre répondra à notre dépêche de vendredi ?
Notre « sœurette » comme l’appelle Yves a déjà 3 jours ! Elle est toujours bien sage, elle pleure très rarement, en revanche elle tète avec énergie, j’ai énormément de lait, beaucoup plus qu’avec Yves.
Ce matin on lui a fait sa grande toilette, toujours sage, elle a à peine pleuré, mais après j’ai cru qu’elle allait avaler la tétée. Ensuite elle s’est endormie, et elle n’est pas encore réveillée. Tandis que je t’écris elle repose, toute menue, dans son petit moïse [berceau portatif en osier capitonné]. Je crois qu’elle tient tout à fait de toi, probablement pour le caractère calme aussi.
Tes nougats et bonbons sont arrivés à point pour Yves, c’est d’un effet sur lui « les bonbons à papasonnedat ! ».
J’espère que tu as reçu colis et argent, ainsi que la lettre de Devoyod.
Yves dit en regardant la petite Marcelle «  que tu es gentille ma petite sœur ! » pas un instant de jalousie, mais déjà l’instinct de la défendre !
Encore un dimanche loin de toi ! Le soleil brille dehors ! La chambre est claire, claire, est-ce elle dans son petit lit blanc qui donne encore plus de clarté ! Sur la cheminée tu es là, un peu ce que tu dois être pour le moment, en soldat mince et grand sur la commode tout près de moi. Je te revois alors que nous étions jeunes, le commencement de nos jours heureux ! Et puis tous les trois avec petit Yves ta chère figure est plus mince, tu étais déjà si fatigué à cette époque là ! Ces jours-là étaient déjà bien tristes, mais je t’avais encore près de nous.
Quand te verrais-je ? Que tu es loin ! Qu’au moins dans notre éloignement ce soit pour toi une satisfaction, que nous sommes tous en bonne santé, ta mère aussi que nous nous accordons tous bien, que je suis par la pensée tout à toi. Je te quitte car sœurette réclame son dû, au revoir mon aimé, que n’es-tu près de moi pour que ce soit toi qui me l’apporte. Je t’embrasse bien fort de tout cœur, Yves et Marcelle joignent leurs petits bras autour de ton cou pour des baisers bien tendres.

Tout à toi
Emilie


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