Lettre du 22 février 1917 d’Emilie Sibaud

Vincennes, le 22 février 1917
Jeudi matin

 

Mon chéri,
Encore la pluie ! Ciel gris et bas, ta chère lettre est venue m’apporter un peu de bleu dans toute cette grisaille !
Je suis heureux pour toi mon aimé que l’on reconnaisse tes aptitudes, crois que je n’ai jamais douté que tu t’en tirerais, ne rougis pas ! J’ai fini par prendre l’habitude d’entendre faire ton éloge ! Tu crois toujours que tu n’en sais pas assez ! Que tu n’en fais pas assez ! Erreur puisque jusqu’ici j’ai toujours vu te choisir alors qu’il y avait quelque travail délicat ou absorbant.
Maintenant que je réponde le mieux possible à ta lettre puisque nous n’avons pas le plaisir de pouvoir parler ensemble… pour de bon comme dirait Yves !
1°. Pour mon malaise cela n’a pas recommencé, je crois que c’était nerveux, en somme j’avais beaucoup réfléchi avant de m’endormir, beaucoup pensé, le sommeil de venant pas, j’étais si seule loin de toi, si loin ! On a des moments où l’on se sent plus triste, pourquoi ? C’était de ceux-là ! Mais vois-tu c’est fini, pour le grand moment je serai courageuse, mais ce qui serait pour moi une grande joie, ce serait de t’avoir un peu près de moi, qu’au moins tu vois le tout petit Marcel, à ce propos Yves, après avoir bien réfléchi, m’a dit « il s’appelle comme papa ! » et il y avait comme un regret que ce ne soit pas lui !
2°. Comment donc s’appelle le colonel ? Je crois que le capitaine a dû d’abord vouloir te juger.
3°. Les lettres d’oncle Auguste sont toujours nulles ! Ca ne change pas ! Quelle différence avec le côté Chabol !
4°. Si tu pouvais faire un mois de plus, c’est moi qui serais heureuse ! Mais hélas, j’ai bien peur que tu ne sois pas assez nul !
T’es-tu arrangé avec celui qui devait partager ta chambre ? Et le missionnaire que devient-il ?
J’attends pour t’envoyer le colis demain vendredi pour pouvoir te mettre quelques gâteaux et à cause du mardi gras cela nous reporte un jour plus loin ! Je vais te mettre un peu de papier à lettres.
J’ai beaucoup travaillé pour Yves, je lui ai fait une demi-douzaine de culottes, des petits tabliers bleus, des petits cols de chemise d’homme !… avec dentelles.
Comme je te le disais dans une précédente lettre, j’ai remis la maison à peu près en ordre.
Pour le chauffage, le feu est presque inutile, 15° sans feu, aussi je t’écris dans le salon.
Hier au soir par exemple manque d’électricité pendant une heure, de 6 à 7.
Mais je te quitte pour aujourd’hui en t’embrassant bien tendrement de tout cœur ?
Tout à toi.
Emilie

Lettre d’Yves
22.2.1917

Mon cher papa,
Maman m’a lu ta lettre à moi, je suis bien fière que tu m’écrives. Je suis toujours sage, je ne me réveille plus de la nuit et je m’endors tout seul dans lit avec ton portrait de soleil.
Demain je te dirai mon poids. Tantôt nous nous baignons et maman me mettra dans la petite corbeille pour me peser.
Mon petit lit est presque aussi beau que celui du petit frère, il est tout blanc.
Peut-être que demain j’irai chez tonton gallo à Auteuil. Je lui donnerai de tes nouvelles.
Mon papa chéri, je t’envoie mes plus bons baisers et je te fais beaucoup de caresses.
Ton Yves


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