Lettre du 8 mars 1917 de Marcel Sibaud

Valréas, le 8.3.1917

 

Ma petite chérie,
Dans ma dernière lettre j’ai parlé trop vite. Ce matin le capitaine m’a demandé des nouvelles et m’a dit qu’il s’arrangerait pour qu’à Pâques si les trains le permettent je puisse aller à Vincennes.
Mille baisers.
Marcel

2e lettre du jour.

Ma petite chérie,
A la lecture de ta lettre j’ai regardé encore une fois les dates de tes lettres du début de mars. J’en ai une datée du 1er, c’est celle par laquelle tu m’envoyais le mandat et m’annonçais la proximité de l’événement. Ensuite je n’ai qu’une datée du 3 où tu me disais l’envoi de la dépêche. Il me semble donc que j’ai reçu toutes tes lettres. Quant au motif du retard de l’une d’elle, il n’ya pas à se creuser la tête, au moment où elle se place, c’était déjà le changement dans les trains et tout était bouleversé. Les journaux sont arrivés très en retard. Les lettres n’ont pas fait exception et je serais désolé que le retard de l’une d’elle privât la discussion.
Mais je vois que comme je le croyais, tu t’es forcée à pour m’écrire au risque de te faire du mal. Je ne sais si je suis heureux de te lire, mais c’était trop de risquer de te rendre malade. Ne vas pas trop vite à changer la petite et à t’asseoir ; il faut te ménager pour que les chers petits aient une maman bien portante en l’absence de leur papa ; c’est que plus que jamais tu as charge d’âmes.
Est-ce que les mains de sœurette se dérident ? Est-ce que sa peau pèle comme celle d’Yves ? Tu ne sauras croire combien je suis content qu’Yves s’entende si bien avec elle. Certes je serais heureux de les voir !
J’ai reçu aujourd’hui une lettre à laquelle j’ai été très sensible. Le sergent major C. m’a envoyé ses félicitations, celles de Berrier et même celles de la secrétaire que la 20e Cie nous avait passée en s’en allant. Il me joint les notes de mon dernier cours à Milly :
–    Théorie 18
–    Pratique 12
–    Aptitude au commandement 12
Ce n’est pas très gros mais la moyenne ressort tout de même à 14.
Observations : parti pour Valréas avant la fin du cours. A beaucoup travaillé. Avait déjà suivi un cours et avait été très bien noté.
Aujourd’hui manœuvre pas trop dure : ce matin lancement de grenades ; il gelait. Ce soir exercice en tranchées ; il faisait chaud ; on pataugeait. Ce soir coucher de bonne heure.
On remet maintenant les sections par 4 sous la direction d’un capitaine de groupe. Le nôtre est un colonial. Je n’ai pu encore apprécier. Je ne serais pas surpris qu’après ces cours-ci les cours de Valréas changent un peu de caractère. Je crois qu’il était temps que j’y vienne. D’après le missionnaire mon succès ne ferait pas de doute. S’il en est ainsi je serai dans les très moyens.
Mille baisers pour toi et les tout petits.
Ton Marcel

Amitiés aux mamans.


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Lettre du 7 mars 1917 d’Emilie Sibaud

Vincennes, le 7 (mal datée du 6) mars 1917
Mercredi matin

 

Mon chéri,
Je suis désolée que tu n’aies pas reçu la lettre que je t’ai écrite vendredi matin, moi qui tenais tant à te donner de nos nouvelles moi-même pour te montrer que je n’étais pas trop souffrante. Je voulais qu’il n’y ait pas d’arrêt dans notre correspondance habituelle. Je t’ai écrit chaque jour, j’avais donné ma lettre de vendredi à porter à ta mère peut-être l’a-t-elle mise plus tard que je ne la mets les autres fois. Je lui avais bien recommandé de la mettre à la grande poste ; peut-être a-t-elle omis, et tu sais que lorsqu’il s’agit de débrouiller des heures c’est assez difficile avec Mme Sibaud ! Un peu plus elle me disait (ne ris pas) qu’elle l’avait mise à midi, alors que je ne l’ai vue pour la première fois depuis mon accouchement que vendredi après-midi ! Je ne pouvais donc pas lui demander de porter la lettre avant midi ! Cet événement va porter je crois des proportions fantastiques ! Encore quelques jours et ta lettre partie « jeudi » ne te sera pas encore parvenue le jeudi suivant ! Je veux espérer que tu as reçu maintenant mes lettres et que tu es tranquillisé. Je ne comprends pas  comment tu es resté si longtemps sans nouvelles. Je t’ai écrit régulièrement tous les matins, moi qui tenais tant à ce que tu me lises comme les autres jours ! Comme tu as dû être inquiet, mon chéri. Je me disais dimanche et cela m’étais une consolation à mon chagrin d’être si loin de toi, je me disais il a mes lettres, il a des détails sur sa fille, il sait comment tout s’est passé ! Quelle désillusion hier matin en recevant ta dépêche. Maman est allée tout de suite à la poste te mettre un télégramme, que je pense bien tu as reçu.
Ce matin je n’ai pas eu le plaisir de te lire peut-être aurais-je plus de chance à 3h du soir, ta lettre est pour moi la chose la plus heureuse, la meilleure de la journée.
Aujourd’hui je puis m’assoir dans mon lit. Hier au soir pour la première fois j’ai changé ma douce sœurette, elle se laisse faire sa toilette, mettre tous ce que l’on veut sans pleurer, elle a l’air d’être très contente qu’on la nettoie.
Toujours ses nuits sans bouger, hier au soir dernière tétée à 9h ½. Réveil à 6h ¼, parce qu’elle était salie, aussitôt changée et tétée endormie ; jusqu’ici 10 heures, grande toilette, tétée et la voici qui repose allongée dans son moïse comme chaque jour quand je t’écris. Tous les soirs sur son petit front, je mets des baisers pour toi, mon chéri, et Yves avec délicatesse embrasse ses menottes, « que tu es jolie ma sœurette » « comme je t’aime », il dit cela si gentiment qu’à ces moments-là j’ai le cœur gros que tu ne sois pas près de nous ! Si tu entendais les réflexions de Toto, il parle et raisonne tout à fait comme un grand garçon, il est fier de son papa caporal. Il faut arroser tes galons et en même temps… tout bas fêter la naissance de la mignonne qui a voulu naître le même jour que son papa recevait ses premiers galons ! Dieu fasse que ce soit un bon présage ! Maman va te mettre encore une dépêche de crainte que tu n’aies pas de nouvelles autres ! Cela lui a fait bien de la peine aussi que tu restes si longtemps sans avoir de nouvelles ; elle m’a fait plaisir sans le savoir quand elle a dit « ah, comme il a dû être inquiet, quel vilain dimanche il a dû passer ! Ainsi j’en suis peinée ». Maman pense que cela est peut-être dû aux nouveaux changements de trains !
Allons, Yves attend la lettre de son papa caporal- « général », il n’en démord pas ! Maman et lui vont la porter en même temps que la 2e dépêche.
A bientôt le plaisir de te lire, je t’embrasse bien tendrement de tout cœur.
Tout à toi.
Emilie

Je vais voir probablement bientôt mon oncle et les Gallo qui doivent venir. Je pourrai parler de toi, car dans le […], je dois te dire qu’ils ne t’avaient pas oublié !
Baisers de Toto.
Amitiés des mamans.

Télégramme
« Parfaite santé. Marcelle très douce.
Baisers ».

Télégramme du 7 mars 1917

 

 

 

 


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Lettre du 7 mars 1917 de Marcel Sibaud

Valréas, le 7 mars 1917

 

Ma petite chérie,
Je t’ai envoyé une courte carte ce matin pour ne pas te laisser sous la médiocre impression qu’aurait pu te donner ma précédente lettre.
Le capitaine est assez « rigolo » dans son genre. Ce matin nous faisions de la signalisation à bras, un signal Morse lorsqu’il me dit qu’il allait me transmettre quelque chose. Il va si vite que je ne pus déchiffrer tout mais par la suite j’ai compris. C’était « Est-ce un garçon ou une fille ». Ensuite il m’a causé demandant si tout allait bien et me disant ce que je t’ai dit pour Pâques. Ce matin j’ai reçu ta lettre dont je relis avec plaisir les détails.
D’abord ne t’étonne pas des anomalies dans la transmission des lettres ; avec la suppression des express tout est changé.
Ton expression de « sœurette » est tout à fait gentille. Je ne pense pas que ce soit Yves qui l’ait trouvée tout seul. Je suis content de savoir qu’elle est toujours sage, douce et ne pleure pas ; tant mieux aussi que tu aies beaucoup de lait, plus que pour Yves, qu’est-ce alors ! Mais si sœurette est si vorace, ne te laisse pas épuiser comme pour Yves.
Mais tu me parles beaucoup des petits et peu de toi, n’as-tu pas trop souffert, est-ce que cela a été long ? Comment te trouves-tu maintenant ? N’as-tu pas d’hémorragies ? La doctoresse a-t-elle été bien ?
Ce qui me fait aussi bien plaisir c’est de savoir qu’Yves est gentil avec sa petite sœur. Cela ne m’étonne pas car il a je crois une bonne nature mais comme je le pensais, la présence de sœurette ne pourra que lui faire du bien.
Ici il fait vilain depuis 2 jours. Cela nous dispense de manœuvre ; celle de ce matin a été remise à demain matin à moins de pluie. En revanche les conférences se succèdent sans discontinuer. Eh bien croirais-tu que j’ai tellement l’habitude de l’air que la sortie me manque. J’étais un peu barbouillé ; je ne tousse pas plus et mange quand même. Dimanche prochain décidément je vais consulter.
Pourrais-tu me joindre quelques papiers dans les prochaines lettres, je n’en ai plus de bonne taille.
D’après ce que j’entends dire, il n’y aurait pas d’offensive avant une quinzaine et sons succès ne paraît pas douteux.
J’ai écrit à ton oncle Bellet hier.
Je t’embrasse bien tendrement ainsi que les deux tout petits.

Ton Marcel

Mon cher petit Yves,
Je suis bien content de savoir que tu es gentil avec ta petite sœur ; j’étais sûr que tu comprendrais ton rôle de grand frère.
Je t’embrasse bien des fois dans ton petit cou de poulet et te charge d’embrasser pour moi « sœurette ».
Ton papa caporal
M.S.


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Lettre du 6 mars 1917 d’Emilie Sibaud

Vincennes, le 6 mars 1917
Mardi matin

 

Mon chéri,
Je viens de recevoir ta lettre du 3 mars, à cette date  tu n’as pas encore reçu de lettre te donnant des détails mais tu as dû en avoir une dimanche et tu dois être tranquillisé sur notre sort. La petite Marcelle se porte bien et tète avec vigueur. Elle est très sage, dort bien ses nuits et comme chaque matin elle repose dans son petit lit tandis que je t’écris. Elle ne pleure que pour être changée et boire à ses heures, mais elle aime être propre et alors qu’elle ne pleure pas tandis qu’on la nettoie, elle bouge, pleurniche aussitôt qu’elle est salie, elle ne doit pas avoir de coliques, en tout cas ne le devrait pas, elle évacue beaucoup et d’une couleur jaune d’œuf superbe. Elle commence à regarder, on dirait qu’elle voit ! Ce n’est plus du tout le même caractère qu’Yves, elle est très douce et peu exigeante. Je t’avoue que je n’y ai aucun mérite. Je me demande si j’aurais eu plus de courage pour la laisser crier ? … j’en doute ! C’est bien elle la mignonne qui veut être sage voilà tout ! Son frère a pris son rôle d’aîné au sérieux, il ne bouge plus de la nuit et s’endort comme une masse aussitôt dans son lit ; par exemple il lui vient une voix énorme ! Ah là ce n’est plus une fille ! < voix de basse ! >. Que je voudrais te voir que j’aurais de choses à te dire. J’ai beau essayer de grouper un peu ce que je veux t’écrire, il y en a tant que je ne dis pas la moitié de ce que je veux, il faudrait que je t’écrive toute la journée. Il n’y a que là que je sois un peu moins triste, je me sens si seule, sans toi, si je n’avais ta chère lettre chaque jour, je ne sais ce que je deviendrais. Aussitôt que je l’ai reçue j’y réponds alors pendant cette heure, cette demi-heure, je ne veux plus entendre ce qui se passe autour de moi. Je suis tout à toi, ce n’est pas une petite chose, sais-tu de vouloir s’isoler un peu ! Tu connais la maison ! Perpétuellement on entend maman crier après Yves, à moins que par un moyen quelconque « histoire du petit garçon dans la montagne » ou autre je parvienne à tenir Yves assis près de moi. Cela m’est excessivement pénible, d’autant qu’il est si gentil avec moi et si doux pour sœurette ! Seulement on sent qu’il a besoin de sortir, de courir. Autrefois on se plaignait qu’il ne pouvait pas jouer seul, aujourd’hui qu’il veut courir dans le couloir, se dépenser un peu, on n’est à lui dire continuellement, ne crie pas ! Ne bouge pas ! Cela m’ennuie bien plus d’entendre lui dire cela que de l’entendre jouer comme il est de son âge. Mais que je ne te fatigue pas trop avec mes détails ! Ah si tu étais là que m’importerait tout le reste ! Si seulement j’avais l’espoir de te voir à Pâques ! J’essaye de me consoler en me disant que tu trouverais notre mignonne fille jolie, notre grand garçon devenu tout à fait un jeune homme comme il dit. Et leur maman redevenue sinon aussi jeune qu’autrefois, cela on ne revient pas en arrière, de moins plus svelte qu’à ton départ et redevenue alerte !
Maintenant que je suive et réponde à ta lettre. Je suis bien contente que mon petit envoi te plaise, je compte te renvoyer des croquettes, du pain d’épices et le petit pot de fer garni de confiture, le sucre est-il utile ?
En effet j’ai touché le nouveau traitement comme tu le pensais !
Je crois que tu économises trop. Continues-tu au moins ton vin blanc ? J’y tiens absolument.
Heureusement que l’on vous a un peu moins surmenés, vraiment cela était exagérer, ce que tu me dis pour le dessin est ridicule, mais ne m’étonne pas du tout !
Pour les friandises que tu as envoyées, je dois te dire que j’y avais bien goûté, surtout les petits berlingots rafraîchissent bien la bouche. Encore une fois merci pour bébé Yves et sa maman.
Tu peux être tranquille, Yves est gentil avec sa petite sœur, il n’est pas jaloux du tout. Je crois que comme tous il a ses défauts bien entendu, mais qu’il a un bon cœur. (Réflexion d’Yves qui me regarde écrire) « Maman faut pas sucer ton crayon, ça fait bobo », deux secondes après « et ça n’écrit pas mieux ».
A l’instant je reçois ta dépêche, je n’y comprends rien je t’ai écris tous les jours !
Je te quitte maman va te mettre une dépêche.

Meilleurs baisers.
Tout à toi.
Emilie

Télégramme
« Tout va bien, émilie écrit lettres vendredi samedi »
Bellet

Télégramme du 6 mars 1917

 

 

 

 

 


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Lettre du 6 mars 1917 de Marcel Sibaud

Valréas, le 6 mars 1917

 

Ma petite chérie,
Ce matin j’ai eu le plaisir de recevoir ta lettre du 3 ; mais j’ai peur que tu te fasses du mal à écrire, il ne faut pas te forcer ; du moment que j’ai un mot, je suis tranquille.
Aussi c’est décidément Marcelle que s’appelle notre grande fille. Tant mieux qu’elle soit bien sage et puisse-t-elle te fatiguer moins que bébé Yves.
J’ai reçu aussi une lettre d’oncle Emile lundi alors que justement j’avais écrit la veille à Clermont ne sachant si vous aviez pu les prévenir. Ils sont toujours vraiment bien gentils. As-tu écrit à ton oncle Bellet ? En tout cas je vais le faire.
J’espère qu’Yves va devenir tout à fait sérieux dans son rôle d’aîné. Alors Marcelle a ton appétit et serait une brune aux yeux bleus. Quand pourrais-je la voir ?
Aujourd’hui la journée a été plus calme ; je me suis débarrassé de ma carte un peu au hasard puisqu’il était impossible de faire autrement et tu sais combien j’aime peu l’à peu près.
Demain nous partons en manœuvre dès 6h ½ du matin. Il a plus dans la journée et nous avons évité ainsi la manœuvre d’aujourd’hui. Le capitaine n’est pas facile à satisfaire. Mon carnet vient de me revenir, je l’avais beaucoup soigné espérant sortir de l’assez bien et atteindre un bien. Ah oui ! J’ai la note suivante : travail sérieux, mais manque de clarté. Toutes les observations sont dans le même sans distinction d’importance.
Entre nous il est parfois drôle : ainsi pendant le cours on m’apporte le télégramme en réponse au mien. Chose que beaucoup peut-être n’aurait pas faite, je demande permission de l’ouvrir. Eh bien sachant pourtant la situation, il ne m’a pas demandé si ce n’était pas une mauvaise nouvelle.
Il est 9h ½, j’ai dû interrompre ma lettre pour aller copier une note pour demain matin. On n’aura pas un jour tranquille.
Je tousse toujours un peu ; peut-être dimanche me ferais-je porter consultant. Mais cela ne servirait sans doute pas à grand-chose. Il y a un nouveau malade avec fièvre et c’est juste un infirmier qui vient le voir.

Je te quitte en t’embrassant bien tendrement ainsi que nos deux petits chéris.

Ton Marcel


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