Carte postale du 18 mars 1917 de Marcel Sibaud

Pierrelatte, 18 mars 1917

 

Ma petite chérie,
Je me suis levé ce matin à 5h ½. C’est d’ailleurs l’heure du réveil à partir de lundi. Il faisait très doux et pas de vent. Je me suis vite rasé et préparé, moins complètement que les autres dimanches naturellement. Le voyage de La Palud coûte 30 sous aller et retour en 2e classe. A Pierrelatte j’ai une heure pour attendre la correspondance. J’en profite pour t’écrire. J’ai pris un café et un petit cake assis sur un banc au soleil. J’hésitais à prendre ma capote, ce matin je l’ai prise finalement et j’ai bien fait je crois car avec le soleil, le satané mistral s’est levé. Mais mon banc est abrité et il fait bon. Je retrouve Pierrelatte sous un autre aspect, sans militaire. J’aime mieux cela. Je ne quitterai peut-être pas la gare pour ne pas me fatiguer inutilement. J’avais pensé gagner La Palud à pied mais il y a 8 km, je m’abstiens.
Mille baisers
Ton Marcel


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Lettre du 17 mars 1917 de Marcel Sibaud

Valréas, le 17 mars 1917

 

Ma petite chérie,
Encore une semaine de finie. Nous l’avons bien finie. Aux interrogations, je n’ai pas été appelé et ce soir nous avons manœuvré presque sans arrêt de midi à 6h ½. Aussi quelle faim en rentrant. Heureusement qu’en passant à une ferme vers 4 heures j’ai trouvé des œufs frais à 0 fr 10 ! J’en ai gâté 2. La soirée s’est finie sur une petite collation de Bernados. Gâteaux du pays et vin blanc. C’était fort bien.
A propos tu me diras si à Pâques, je ne ferais pas bien d’apporter des œufs.
Ce soir je me prépare pour demain matin, le train de 7h5. Je suis complètement à jour et n’ai rien à faire demain. Cette journée de dimanche me plairait tout à fait si elle ne devait remettre au soir la lecture de ta lettre.
D’après les bruits qui courent, ce serait le dernier cours du capitaine qui quitterait l’école après celui-ci.
J’ai appris avec émotion la révolution russe. Le tsar m’était sympathique. Mais s’il est vrai que c’est un mouvement national contre les boches, tant mieux. Si au contraire la Russie devait nous lâcher ce serait pénible.
Cette semaine, on doit nous communiquer nos notes. Je m’attends à être coté de façon très moyenne. Comme je l’ai dit, ici, il faut jeter beaucoup de poudre aux yeux ; cela fait bien plus d’effet qu’un travail sérieux mais tranquille. Or ce n’est pas mon genre. Mais la note en elle-même m’est égale ; ce que je ne voudrais pas c’est être refusé ou redoubler. J’espère bien que ce ne serait pas mon cas.
Je vais tout à fait bien. A la manœuvre pourtant longue j’avais retrouvé mes jambes et je me trouvais toujours avoir franchi les ravins et les crevasses. Le spectacle était superbe ; un bataillon avec mitrailleuses, bombes, fusées, tir de fusils, un beau vacarme. Mais vers le soir il faisait très froid et nous étions en vareuse.
Je suis heureux de savoir qu’il fait meilleur dans notre chambre.
J’écrirai demain ou après-demain pour remercier Suzanne de son acceptation. Nous devons aller l’autre dimanche faire un tour avec Bernados. Demain comme je ne serai pas là il ne sortira pas. Je ne pense pas manquer d’argent ayant touché mon prêt et ayant payé mon loyer. Tu me dis que tu mets de l’argent de côté. Je t’en remercie bien mais surtout ne te prive de rien : toi et les petits d’abord.
Moi je deviens de plus en plus un soldat. Tu me dis aussi de voir le pays ; il est fort intéressant, mais je ne puis retrouver mon ardeur touristique. Est-ce la fatigue corporelle, je ne crois pas ; c’est plutôt l’incertitude du lendemain, l’éloignement de ceux que j’aime, le manque de liberté et de chez moi. Je ne puis m’imaginer que je visite en touriste. Et j’en arrive à ne voir que le côté matériel ; aussi l’autre dimanche nous ferons une promenade pas trop dure et si possible un bon déjeuner. Croirais-tu que j’attends avec satisfaction celui de demain.
Tu es surprise de l’affaire de samedi dernier. Le milieu est loin d’être ce qu’on pourrait croire ; les fonctionnaires coloniaux ne valent pas cher. Je ne suis pas sûr que cela ne recommence pas ce soir. J’ai pu prévenir Bernados qu’on avait truqué son lit.
Je suis désolé encore plus que la lettre, que tu t’étais donnée tant de mal à m’écrire, ne soit pas parvenue ; je te remercie doublement de cet effort qui a dû être considérable si près de ta délivrance.
Je crois t’avoir dit que j’ai reçu ton 3e télégramme et que même j’étais très anxieux en l’ouvrant.
Je t’embrasse mille et mille fois ainsi que les petits.

Ton Marcel

Amitiés aux mamans.


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Lettre du 16 mars 1917 d’Emilie Sibaud

Vincennes, le 16 mars 1917
Vendredi soir

 

Mon chéri,
J’ai reçu ta lettre comme les jours précédents à 3h ½. Je regrette que n’est pas eu de lettre te donnant de nos nouvelles mardi. J’ai pourtant écrit comme d’habitude dimanche. On ne sait à quoi cela tient ! Tu as dû me lire deux fois le lendemain. Nos santés sont toujours bonnes et tu vois le 13 ne t’est pas si défavorable encore une fois.
Je vois que tu t’en tires bien pour la manœuvre, tu me dis que tu penses qu’il va vous falloir offrir un dîner aux redoublants. Si tu as besoin d’argent, écris-le-moi. Auras-tu besoin de passer un examen aussi ?
Notre petite Tranquille est toujours aussi mignonne et ne pleure jamais. Elle grossit à vue d’œil. J’ai bien hâte de la peser. Yves a été pesé pour la 1ère fois à 21 jours. Je viens de regarder le papier ; je serais bien contente aussi de la baigner, c’est moi qui m’occupe tout à fait d’elle. C’est un plaisir, elle se laisse pomponner si gentiment. Que te dirais-je sur nous ? Notre vie est si monotone ! Je voudrais bien me lever ! au moins. Je m’occuperais tandis que dans le lit ce n’est pas très commode. Je fais bien la toilette d’Yves, le mienne ; je m’occupe de sœurette et je couds un peu, mais je reste souvent bien longtemps seule et à rien faire. Le moment heureux est celui où je te lis et où je puis te répondre, mais encore faut-il que j’ai l’encre et le papier ! Cela n’est pas toujours tout à portée de la main ; aussi je m’ennuie bien je t’assure. Maman est bien obligée de faire les courses qu’il y a à faire, elle emmène souvent Yves pour lui faire prendre l’air, on me laisse sœurette, tout près. Parfois lorsque nous sommes seules toutes deux, je me prends à pleurer en la contemplant. Pourquoi faut-il que ce qui aurait été si bon à vivre nous deux, soit si amer étant sans toi ! On finit par être las de cette guerre et perdre espoir, s’il faut encore passer un hiver comme cela, ça ne sera pas gai ! Je sais bien nous avons eu quelques succès en Champagne, les Anglais ont avancé, les Turcs semblent en avoir dans l’aile, mais combien de temps cela durera-t-il encore ? Combien hélas cela a dû coûter de vies ? On n’ose plus penser à l’avenir pourtant malgré tout on garde un vague espoir lorsque je vois le soleil entrer dans la chambre le ciel bleu, je veux croire que les jours heureux reviendront, que nous serons encore heureux avec nos chers petits près de nous, que ce serait bon un peu de repos dans un coin perdu, loin de tout, vivre sans  penser pendant quelques temps ! Pouvoir aller se cacher dans une plage peu fréquentée !
Mais parlons d’autre chose, je n’ai toujours pas vu les O. ! C’est un détail.
Je te quitte pour ce soir en t’embrassant bien tendrement de tout cœur.
Je reprends ma lettre ce matin, vite que je te remercie de ton petit colis. Yves a déjà goûté un nougat et un berlingot… moi aussi d’ailleurs. Ils sont exquis. J’ai rangé la correspondance que tu m’as renvoyée. J’ai pu voir que la lettre du 2 manquait, cela m’ennuie qu’elle soit perdue. Je me demande où elle a pu rester, sans aller si loin que Mme Sibaud qui croit qu’on la soustraite. Je ne puis m’empêcher de trouver que c’est drôle que ce soit justement celle-là qui ne soit pas parvenue, enfin c’est un petit malheur ! Encore de bons baisers.
Tout à toi.
Emilie

[Yves]
Mon papa chéri,
Je peux t’écrire aujourd’hui, maman veut bien. Je t’écris pour nous deux. Sœurette, elle est très sage. Je l’embrasse tous les jours pour toi, elle n’a pas voulu ni de berlingots ni de nougat. Hier soir elle n’a pas voulu de ma soupe. Je te remercie des bonbons, moi je les aime bien. As-tu lu que ça va être un petit garçon qui sera empereur en Russie (1). J’ai vu sa figure dans le journal. Moi je voudrais pas être ça. On entend tout le temps des coups de canon, mais c’est pas les boches. C’est monsieur Huet à la cartoucherie qui met de la poudre, ça fait boum ! boum ! C’est pour essayer comment ça fera, c’est très beau un canon.
Je t’embrasse bien fort mon papa caporal ! et sœurette aussi, car elle embrasse tu sais. Elle met son petit nez rose sur ma joue et puis elle ouvre la bouche. Moi j’embrasse ses mains et ses pieds. Ils sont plus petits que ceux de la poupée.
Au revoir mon papa, pan ! Je te fais un petit coup.
Ton Yves.

 

1 : De qui parle Yves ? Le tsar Nicolas II ayant abdiqué avec son fils Alexis.
Le dimanche 11 mars, l’armée fait face à 200.000 manifestants. Les officiers obligent alors les soldats à «viser au coeur». On relève 40 morts. Mais le lendemain, soldats et ouvriers fraternisent. Ils créent le Soviet (ou conseil) des ouvriers et soldats de Petrograd.

Emmenés par le populaire avocat Alexandre Kerenski, les députés socialistes de la Douma se rallient au Soviet de Petrograd. Le 15 mars, ils confient le gouvernement à un noble libéral, le prince Lvov. Dans la soirée, le tsar abdique. Son frère, le grand-duc Michel, ne souhaite pas le remplacer. C’en est fini de l’Empire et de la dynastie des Romanov.


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Lettre du 16 mars 1917 de Marcel Sibaud

Valréas, le 16 mars 1917

 

Ma petite chérie,
Aujourd’hui j’au eu ta lettre dès ce matin. Tu as bien fait d’écrire aux Gallo et demander Suzanne pour marraine. Je suis sûr que cela leur fera plaisir. Selon la réponse que tu auras pour Suzanne et pour la santé de René, j’écrirai de mon côté.
Toutes bizarres qu’elles soient, les petites Bouchet sont bien gentilles d’avoir toujours des pensées pour nos tout petits.
Je voudrai bien vous voir tous trois blottis comme de petits oiseaux. Vois-tu la guerre vous ramène à l’état de nature. La mère cache les petits sous son aile, le père va à la recherche des gibiers, triste gibier que les boches, et assure la protection.
Notre serveur à table à la chance d’aller à Paris en permission de 20 jours. Il est vrai que le pauvre homme est comme Pierre Mollo. La femme est partie avec un de ses amis, lieutenant, laissant là une grande fillette.
Il a encore fait très froid aujourd’hui avec un mistral infernal qui a été la cause d’un incident qui aurait pu être bien ennuyeux. Au rebord d’un ravin, le vent m’a arraché mon binocle de sur le nez. J’ai eu l’impression qu’il dévalait en bas de la pente où coulait un filet d’eau, mais je ne voyais rien. Un élève ne trouva trace de rien ; et puis la Cie envoyée ; il dut s’en aller. Heureusement alors que d’habitude nous allons en bougeron avec lequel je n’ai pas mes lunettes, aujourd’hui à cause du froid nous avions la capote. Je mis un moment à y songer. Armé de mes lunettes, je finis par retrouver mon binocle à moitié enlisé dans le sable sous plusieurs centimètres d’eau. Sur le sable jaune et dans l’eau claire, on le voyait à peine. La journée n’a, à part le vent, pas été très dure. Après cette lettre, je finis un devoir. Demain 2 interrogations.
Demain soir dimanche.
J’ai appris aujourd’hui avec regret la démission de Lyautey (1), qui diable va-t-on mettre à la place ? René Besnard (2) ? J’en doute. Clémenceau ? Je ne pense pas ; Charles Humbert (3) peut-être. Noulens (4) ou un général car Briand (5) semble y tenir. Qui alors ? Foch (6) ? Maunoury, bien touché je crois. Enfin nous verrons. On parle d’élargissement du cabinet ; cela paraît laisser un visage d’un homme politique radical socialiste.
Les troubles de Petrograd m’ennuient aussi un peu. J’espère bien que la Russie pour laquelle nous avons marché ne nous lâchera pas. En tous cas, tout semble indiquer que la guerre tire à sa fin et, quelles que soient les petites difficultés des crises, a une fin satisfaisante.
J’ai reçu une lettre des Fouilhoux portant [?] pourtant affranchie. Je leur avais écrit la naissance de sœurette. Ils m’envoient leurs félicitations et me demandent quand ils pourront aller prendre de tes nouvelles. Je leur écrirai d’après ce que tu me diras.
J’ai touché mon 1er prêt de caporal. Plus que je ne pensais ! 6 fr. 30 !
Cela me payera largement mon voyage dimanche et le dîner que je serai peut-être obligé de prendre dehors.
Je te quitte ma petite chérie en t’embrassant mille et mille fois.
Ton Marcel

Ma résistance physique m’étonne moi-même. Mon rhume passé malgré les intempéries, je me trouve à en traverser d’autres pourtant assez fortes sans m’en apercevoir. C’est curieux comme le grand air vous change.

Amitiés aux mamans.

1 : Hubert Lyautey (1854-1934)
Pendant la Première Guerre mondiale, Lyautey fut ministre de la Guerre dans le gouvernement d’Aristide Briand, entre décembre 1916 et mars 1917. 

2 : René Besnard (1879-1952).
Sous-secrétaire d’État à l’administration militaire du 28 décembre 1916 au 12 septembre 1917 dans les gouvernements Aristide Briand et Alexandre Ribot.

3 : Charles Humbert (1866-1927), sénateur de la IIIe République de 19 janvier 1908 au 10 janvier 1920, il est vice-président de la commission sénatoriale des armées très actif pendant la Première Guerre mondiale.

4 : Joseph Noulens (1864-1944)

5 : Aristide Briand (1862-1932)
Chef du gouvernement et ministre des affaires étrangères pendant près de deux ans (1915-17), Briand joue un rôle important, notamment en organisant l’expédition de Salonique et en coordonnant l’action militaire et économique avec les Alliés.

6 : Ferdinand Foch (1851-1929)
Ferdinand Foch, maréchal de France, de Grande-Bretagne et de Pologne, est un officier général et académicien français.


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Lettre du 15 mars 1917 d’Emilie Sibaud

Vincennes, le 15 mars 1917
Jeudi soir 5 h

 

J’ai reçu ta lettre habituelle à 3h 1/2. Comme je le pensais je n’ai vu personne aujourd’hui. Je me sens plus forte que les jours précédents. Je pense que cela va continuer.
Sœurette vient de téter, elle est retournée dans son petit lit. A travers le tulle, je vois ses yeux bleus qui regardent. Je relis ta lettre ? Je suis heureuse pour toi que tu es pu enfin avoir un peu moins de travail, pourvu que la lettre de mon oncle n’aille pas te causer de l’ennui ! Décidément le capitaine Codechèvre est bizarre, d’un côté je suis bien contente que tu répondes bien, seulement moi au fond j’aimerais autant que tu sois comme les redoublants.
Tu vois qu’Oncle Emile pense comme moi qu’il faut que tu consultes et que tu continues le vin blanc, enfin si cela va mieux ! Je viens en même temps que ta lettra de recevoir une lettre de Marie, lettre charmante avec petits mots de Tante Marie et de Tante Amélie, je ne sais pourquoi elles veulent que Marcelle s’appelle Suzanne !
Ne t’inquiète pas parce que mes lettres sont à l’encre, je ne suis pas levée mais assise et Yves a écrit sur le bord du lit. Il était assez fier de ta lettre pour lui d’aujourd’hui.
Ce n’est pas parce que tes lettres sont grises comme tu dis que je suis tracassée, mais non ce n’est pas de ta faute, qu’elles soient gaies ou tristes, cela ne m’empêchent pas de songer que tu es loin de nous. Que cette guerre n’en finit pas !
Par exemple un passage de ta lettre qui me plaît c’est à la fin lorsque tu me laisses espérer que nous aurons peut-être le bonheur de te voir à Pâques ! Nous vois-tu t’attendant à la gare ! Toto grand garçon et sœurette bien sage dans nos bras ! avec ses plus beaux vêtements.
Le temps était plutôt gris ce matin mais cet après-midi le soleil s’est montré et le ciel est bien bleu.
Hier Yves était un peu énervé. Roger était venu et lorsqu’il est là, il n’y a plus moyen de les tenir, c’est une folie ! J’aime mieux le voir comme aujourd’hui jouant seul et tranquille, au moins on s’entend. Roger me fait peur, je sais que si on le laissait, il casserait toute la maison ! C’est dommage ses parents sont si gentils et au fond le pauvre petit ne doit pas être méchant.
Je te mets du papier à lettre comme tu me le demandes. Je suis fâchée après toi, pourquoi as-tu fait un colis ? Tu n’as pas trop de ce que tu as pour toi, ne te prive pas pour nous.
Je n’ai toujours pas vu les O., si ça continue quand elles viendront, nous serons à la promenade !
Je te quitte pour aujourd’hui en t’embrassant bien tendrement de tout cœur.
Tout à toi.
Emilie

Caresses de sœurette et de Toto.
Amitiés des mamans.


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