Lettre du 15 mars 1917 d’Emilie Sibaud

Vincennes, le 15 mars 1917
Jeudi soir 5 h

 

J’ai reçu ta lettre habituelle à 3h 1/2. Comme je le pensais je n’ai vu personne aujourd’hui. Je me sens plus forte que les jours précédents. Je pense que cela va continuer.
Sœurette vient de téter, elle est retournée dans son petit lit. A travers le tulle, je vois ses yeux bleus qui regardent. Je relis ta lettre ? Je suis heureuse pour toi que tu es pu enfin avoir un peu moins de travail, pourvu que la lettre de mon oncle n’aille pas te causer de l’ennui ! Décidément le capitaine Codechèvre est bizarre, d’un côté je suis bien contente que tu répondes bien, seulement moi au fond j’aimerais autant que tu sois comme les redoublants.
Tu vois qu’Oncle Emile pense comme moi qu’il faut que tu consultes et que tu continues le vin blanc, enfin si cela va mieux ! Je viens en même temps que ta lettra de recevoir une lettre de Marie, lettre charmante avec petits mots de Tante Marie et de Tante Amélie, je ne sais pourquoi elles veulent que Marcelle s’appelle Suzanne !
Ne t’inquiète pas parce que mes lettres sont à l’encre, je ne suis pas levée mais assise et Yves a écrit sur le bord du lit. Il était assez fier de ta lettre pour lui d’aujourd’hui.
Ce n’est pas parce que tes lettres sont grises comme tu dis que je suis tracassée, mais non ce n’est pas de ta faute, qu’elles soient gaies ou tristes, cela ne m’empêchent pas de songer que tu es loin de nous. Que cette guerre n’en finit pas !
Par exemple un passage de ta lettre qui me plaît c’est à la fin lorsque tu me laisses espérer que nous aurons peut-être le bonheur de te voir à Pâques ! Nous vois-tu t’attendant à la gare ! Toto grand garçon et sœurette bien sage dans nos bras ! avec ses plus beaux vêtements.
Le temps était plutôt gris ce matin mais cet après-midi le soleil s’est montré et le ciel est bien bleu.
Hier Yves était un peu énervé. Roger était venu et lorsqu’il est là, il n’y a plus moyen de les tenir, c’est une folie ! J’aime mieux le voir comme aujourd’hui jouant seul et tranquille, au moins on s’entend. Roger me fait peur, je sais que si on le laissait, il casserait toute la maison ! C’est dommage ses parents sont si gentils et au fond le pauvre petit ne doit pas être méchant.
Je te mets du papier à lettre comme tu me le demandes. Je suis fâchée après toi, pourquoi as-tu fait un colis ? Tu n’as pas trop de ce que tu as pour toi, ne te prive pas pour nous.
Je n’ai toujours pas vu les O., si ça continue quand elles viendront, nous serons à la promenade !
Je te quitte pour aujourd’hui en t’embrassant bien tendrement de tout cœur.
Tout à toi.
Emilie

Caresses de sœurette et de Toto.
Amitiés des mamans.


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