Valréas, le 20 mars 1917
Ma petite chérie,
Journée encore assez calme au point de vue intellectuel. Ce matin lancement de grenades. Celui qui avait tiré l’autre soir dans la chambrée est si nerveux qu’il a failli faire un accident. Il avait pris une grenade à l’envers et allait l’armer sans maintenir le dispositif de sûreté. Ce soir tir au fusil mitrailleur. J’aime assez tirer cet instrument et comme il y en avait 2 autres qui en avaient peur, ce n’est pas croyable, j’ai tiré pour 3.
Demain le capitaine doit nous donner nos notes. Mon carnet est revenu aujourd’hui seulement ; je l’avais plutôt moins soigné, j’ai assez bien ! Demain encore terrassement, je vais tâcher de ne pas me coucher trop tard.
Je comprends ton impatience de te lever mais il faut aller tout doucement. J’aime autant que tu n’aies rien entendu du zeppelin [cf. lettre du 18.03.17 d’Emilie]. Il a payé cher son voyage. Je regrette bien de savoir ta mère si fatiguée. Elle a naturellement beaucoup à faire. Quand donc pourrons-nous reprendre une organisation plus rationnelle. J’espère que quand tu vas être rétablie cela marchera mieux. Je vous remercie du colis que tu m’annonces. Je viens seulement d’entamer ma boîte de pâté (il est très bon). J’ai encore du pain d’épices, du rhum et des sucres. Il a fallu que j’emporte des biscuits de La Palud. Je vais envoyer un de ces jours des berlingots à Roger. Je vois que je m’étais trompée pour les bonbons que tu m’as envoyés. En tout cas ils étaient fort bons et rafraîchissent fort agréablement la bouche.
Tu as bien fait de me dire pourquoi ta lettre était au crayon, cela m’avait frappé en l’ouvrant et je me demandais si tu n’étais pas souffrante.
Mille baisers de ton Marcel.
Bons baisers aux petits.
Amitiés aux mamans.