Vincennes, le 8 mars 1917
Jeudi matin
Mon chéri,
Que ta pauvre lettre m’a fait de la peine, si je pouvais aller vers toi te dire ce que je ne sais t’écrire ! Il ne faut pas te démonter ainsi, ne te fait pas de mauvais sang pour ton travail à ce point. Je t’assure que mon oncle à la certitude que tu arriveras puisqu’il commençait déjà à se soucier et pour la sortie et pour tâcher que tu fasses un peu de supplément !
J’espère bien que tu as reçu maintenant mes lettres, qu’elles t’ont apporté des nouvelles qui t’auront enlevé le « cafard »[lettre de Marcel du 4 mars 1917].
Comme ta lettre était désemparée, je me rends bien compte de l’effet que ce silence a dû te produire après la dépêche. Quand je songe que je m’étais arrangée pour t’écrire aussitôt, c’est une vraie guigne ! Je me doute que ta lettre aujourd’hui ne sera pas bien gaie ! Que cet éloignement est pénible, que je te parle de tes petits anges. Marcelle est toujours mignonne, elle ouvre ses grands yeux bleus comme si elle voulait tout voir, sa petite figure rose est bien gentille à voir dans tout ce blanc. Je voudrai bien voir te yeux à toi à côté pour comparer le bleu !
Yves forcit de plus en plus et a grandis ces derniers 8 jours, c’est énorme, et avec cela grossi en proportion. C’est vraiment un beau petit garçon en tout point, je t’assure que ce n’est pas parce que je suis la maman ! Lui aussi voudrait bien être près de son papasonnedat, que je voudrais voir sœurette dans te bras ! Ta sage petite fille, elle fait l’admiration de tout le monde par sa gentillesse et par sa douceur. Elle me regarde toujours pendant que je t’écris.
Elle va avoir 7 jours ce soir. Elle a déjà changé, elle est plus lourde, c’est vrai qu’elle boit bien ; jusqu’ici c’est parfait en tout point.
Je crois que je n’aurais pas de lettre de toi ce matin, que cela fera comme hier, je l’ai reçue à 3h.
Aujourd’hui il neige. Hier j’ai eu la visite de Mme Nicole, ils t’envoient tous les deux leurs bonnes amitiés. J’ai reçu une lettre de Laurence, lettre très vague.
Je ne crois que je vois Madame Sibaud aujourd’hui, car il fait très vilain et malgré que ce soit jeudi je crois qu’elle sorte. Hier je ne l’ai pas vue, mais je l’avais vue mardi et elle m’avait dit qu’elle ne viendrait pas le lendemain. Elle va toujours mais je crois que tout de même son traitement lui a été bon ; j’ai pu lui avoir de l’essence, du vermicelle chez Barsac. Mme Barsac est venue voir Marcelle, en même temps elle nous a montés des provisions de pâtes et de sucre qu’elle venait de recevoir.
Allons, je te quitte pour que la lettre parte.
Au revoir mon chéri, je t’embrasse bien bien fort pour tâcher de t’enlever tes mauvaises idées. Encore des baisers de moi et les mignons.
Tout à toi.
Emilie