Lettre du 25 avril 1917 d’Emilie Sibaud

Vincennes, le 25 avril 1917
Mercredi matin 9h

 

Mon chéri,
Je ne t’écris pas bien longuement ce matin, non, je n’ai rien dit ! Maman est partie ! Donc j’irai mettre ta lettre moi-même avec Yves à 11 heures. Je peux donc te parler au contraire longuement.
Yves a ramassé hier au bois un brin de gui pour toi, on en coupait dans les arbres et il en a eu un peu, je veux croire, espérer, que ce qui te portera bonheur, surtout offert par ton cher petit.
Voici le temps qui redevient gris, deux jours de beau et encore de la pluie probablement. J’ai reçu hier à 3h ½ ta lettre de samedi alors que j’avais reçu le matin ta carte de Pierrelatte de dimanche et ta lettre de vendredi.
Pendant que j’y songe que je te note le poids d’Yves : 16 kg 460.
Hier j’ai eu l’agréable surprise de recevoir une voiture pour sœurette que ta mère lui offre. Elle est très jolie, je l’ai préférée vert sombre, intérieur et train crème, elle est superbe.
J’ai reçu aussi un petit bonnet de laine bleu ! de Madame Oudard. J’avais eu une lettre de Laurence trois jours auparavant m’annonçant le « tout petit cadeau » offert de grand cœur. Mais de visite on n’en parle toujours pas ! Quoique la tournure de la lettre soit beaucoup plus gracieuse, ce n’est pas possible, elles vont avoir besoin de nous !!!
Roger est toujours dans le même état, je ne savais pas que dans la rougeole on souffre de la gorge. Il paraît qu’il a autant de bouton à l’intérieur qu’à l’extérieur ! avec cela il doit avoir de [?] car il y a toujours du sang dans ses matières. Sa rougeole ne serait rien, ce qui est paraît-il plus grave ce sont ses yeux et sa gorge mais heureusement je crois que ses parents ne voient pas la gravité de son état.
Je suis bien contente que tu es reçu mon colis, je t’en prie n’attends pas que les aliments soient détériorés par le temps pour les manger. Je suis désolée de ta savoir ainsi surmené, ces cauchemars ne me disent rien de bon, je crois que tu aurais besoin de repos. C’est justement ce que pensait qui tu sais.
Pour ceux qui font faire leur uniforme, c’est peut-être qu’ils craignent ne pas avoir assez de temps ? Tu ferais peut-être bien de regarder un peu. Enfin je crois qu’en s’adressant à B.J. tu auras tout assez vite.
Je vais encore te raconter un trait d’Yves. L’autre jour chez les Gallo, on a parlé d’une jeune fille qui mangeait ses cheveux, et l’on est arrivé à dire que beaucoup de chevaux faisaient pour leurs poils. Alors hier matin, pendant que je le peignais, Yves me dit « tu sais maman, il y a des dadas qui mangent leurs cheveux, ça leur fait des gros paquets sur l’estomac et on est obligé de leur ouvrir pour leur enlever les paquets de cheveux ! ». Nous n’avons pas dit que l’on opérait les chevaux mais on avait parlé de l’opération de la jeune fille en question, c’est te dire s’il entend tout et surtout comprend tout. Mais j’espère bien mon chéri et de toutes mes forces encore, que ce sera toi qui le dirigera dans les branches, comme tu veux bien dire où son père a échoué, cela me fait de la peine que tu m’écris ainsi ! Je me sens perdue ! toute seule, tu sais bien que quand je ne t’ai plus près de moi je suis toute désemparée. Quand tu m’écris des paroles aussi tristes que cela, j’en suis encore plus malheureuse. Je ne vis que dans l’espoir de nous retrouver car sans toi je n’ai pas de raison de vivre. La vie ne serait plus pour moi qu’un devoir à remplir vis-à-vis de tes chers petits. Sans toi, tout est fini pour moi. Mais ne parlons pas comme cela, il faut se dire que nous allons nous revoir bientôt, que l’avenir est peut-être moins sombre que nous ne le craignions pour nous.
Je vais aller remercier ta mère aujourd’hui. Je suis bien contente que tu es eu de ses bonnes nouvelles.
Je vais écrire à Clermont. Je dois une lettre à tante Amélie et à Marie, as-tu de leurs nouvelles ?
Allons au revoir mon chéri, j’ai espoir en qui tu sais, pour ce qui nous intéresse tant.
Je te quitte en t’embrassant mille et mille fois, bonnes caresses de notre grand garçon et de notre chère petite Tranquille.
Tout à toi.

Emilie
N’as-tu rien à me dire question équipement ? Et pour le képi ?


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