Lettres du 6 avril 1917 de Marcel Sibaud

Valréas, le 6 avril 1917

 

Ma petite chérie,
Aujourd’hui le capitaine nous a donné quelques renseignements sur la fin du cours. Il est soit probable que nous restions ici jusqu’au 19 soit une semaine de plus, ceci pour que nous n’ayons pas à revenir à nos anciens dépôts où nous demeurerons indisponibles pour le front jusqu’à notre nomination. Il paraît qu’en effet  les officiers du dépôt se plaignent de se voir partir au front alors qu’ici quelques jours plus tard c’est le nouveau sorti de Valréas qui aurait dû partir. Notre nomination sortirait alors sûrement pendant notre congé. Quant à l’école de Valréas, c’est en tant qu’école d’élèves officiers qu’elle cessera de fonctionner ; on ne nominera plus de sous-lieutenant à l’intérieur après nous. Valréas deviendra le centre de perfectionnement des officiers qui trop souvent paraît-il sont insuffisants. Le capitaine a parlé aussi de la titularisation qu’il voit surtout intéressante pour les fonctionnaires. Mais pour l’obtenir il faut un an de grade. De ce que dit le capitaine, il résulte qu’il y aura sans doute des redoublants. Mais je ne crois pas en être et j’en serai enchanté. Ma nomination me paraît bien probable.
La journée n’a pas encore été trop dure ; nous avons manœuvré fort tranquillement sur les bords de la rivière le Lez ; le vent était modéré, le ciel pur, les arbres assez verdoyants ; l’eau claire donnait envie de se baigner et le lit de sable et de galets faisait penser à la mer.
Le 23e colonial est sur le front français ; il devait être vers C. et a été très éprouvé de même que le 21e et le 20e corps.
Ne t’inquiète pas sur mon état de santé ; sans doute je suis un peu fatigué mais je vais bien et mon pied n’est qu’un détail ; mon front aussi commence à se raplatir.
Je vais écrire à ton oncle en lui donnant quelques renseignements. Comme je te l’ai déjà dit, mais je ne pourrais lui dire aussi nettement, je crois qu’il y a intérêt à agir pour que j’obtienne ma nomination au 23e colonial. Je pourrais bien sans cela être envoyé aux troupes indigènes, on a un régiment se trouvant à Salonique. Ce ne serait peut-être pas pis, surtout si tu pouvais venir au dépôt ; mais comme c’est impossible, je tiens au 23e colonial pour être à Paris (sauf toujours dans le cas où le ministère me trouverait affectation intéressante).
J’ai écrit dès hier soir à Oncle Emile pour lui demander quelques conseils contre la contagion de la rougeole.
La petite fleur que je t’avais envoyée, je l’ai cueillie au coin d’un champ où j’étais en sentinelle et où j’avais tout le temps de penser au foyer.
Mais ne crois pas que mon optimisme faiblisse. Non, je persiste à avoir confiance dans l’avenir. Ne dois-je pas espérer quand je pense que mobilisé un peu plus tôt je risquais fort de partir au front avant l’ouverture du cours à Valréas, et que un peu plus tard je ne pouvais plus devenir officier à l’intérieur ; et puis ce hasard d’avoir pour instructeur mon capitaine, d’en trouver un autre aussi intime d’H., d’avoir eu à portée une famille aimée.
Je te quitte ma petite chérie en t’embrassant mille et mille fois.
Ton Marcel

J’ai dit à Mme Martin de se faire avancer par Devoyod le cas échéant le prix du papier du tirage qu’elle fait pour nous.

 

Valréas le 6 avril 1917

 

Ma petite chérie,
Pas de lettre de toi aujourd’hui. Peut-être n’as-tu pas écrit pensant que je serais en route ? Peut-être te lirai-je demain matin. Le capitaine m’a annoncé que le colonel consentait à m’accorder jusqu’à mercredi midi. Mais ce soir on a annoncé au rapport que 7 élèves seulement pourraient aller à Paris à cause des difficultés de chemin de fer. On a procédé au tirage au sort ; heureusement grâce à mon ordre de transport, on m’a assuré que j’échappais à cette restriction. Mais cet ordre, ce soir je n’ai encore pu l’avoir.
Cette lettre ne te parviendra sans doute pas avant mon arrivée. Aussi je ne m’étends pas quoique j’aie bien des choses  à te dire.
Je te préciserai par télégramme mon heure d’arrivée probable.
A bientôt le plaisir de t’embrasser.

Ton Marcel


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