Lettre du 14 avril 1917 de Marcel Sibaud

Valréas, le 14 avril 1917

 

Ma petite chérie,
Ta lettre de ce matin m’a un peu tranquillisé. Espérons que tu n’auras pas de nouveau malaise et pour cela ne te fatigue pas trop. Par exemple je ne puis évidemment que t’approuver de reprendre le bain quotidien des petits. Mais cela va être encore de la fatigue pour toi. Et ma foi, quand tu ne leur en donnerais que deux par semaine pour donner un chiffre, ils ne s’en porteraient pas plus mal, je crois et tu t’en trouverais mieux. Tu as laissé en blanc le poids d’Yves. Pour sœurette l’augmentation me paraît intéressante. Mais je ne me souviens plus si Yves avait fait mieux. Je pense que lui n’est pas en diminution, malgré son malaise. Je suis content de savoir que sœurette aussi aime l’eau. A quand les 4 petits pieds sur le sable humide de la baie de Carnac ?
Je suis bien content aussi de savoir qu’Yves est bien sage et qu’il pense à son papa.
Ici la journée n’a pas été dure. Ce matin dessin panoramique où le professeur m’a confirmé que j’avais eu très bien la dernière fois. Puis levé topographique pas embêtant. Ce soir manœuvre de mitrailleuse où nous n’avions qu’à regarder.
Les bruits les plus divers commencent à courir sur la fin du cours. D’après l’un 50 élèves passeraient un examen, d’après l’autre il y en aurait 3 chez nous. D’après un autre la semaine qui vient serait semaine d’examen. D’après un quatrième, il y en aurait un qui redoublerait mais nullement pours insuffisance. C’est possible, mais je crois que dans tout cela, il y a beaucoup d’imagination. Ce qu’il y a de plus réel, c’est que l’un des redoublants du précédent cours, celui qui était aux troupes indigènes à Fréjus, y reste comme instructeur pour de nouvelles troupes qui vont arriver. A défaut d’affectation plus agréable, je crois décidément de plus en plus que je chercherais, si je suis reçu, à m’orienter vers les mitrailleuses.
Si tu vois ton oncle, fais lui bien toutes mes amitiés. Je lui ai écrit plusieurs fois ; je ne veux pas l’inonder de lettres. Ce sera donc toi qui lui annonceras mes galons de sergent. Selon ce que tu me diras de ta visite, j’écrirai à nouveau à Auteuil.
Le temps n’est pas bien beau mais il se réchauffe assez. Peut-être pourrai-je bientôt quitter mon chandail.
Quand tu m’enverras un colis, si tu tiens à m’en envoyer un, mets-moi une boîte de graisse ouralienne de chez Brunet (0fr75).
Je te quitte en t’embrassant mille et mille fois ainsi que les petits.

Ton Marcel.

Amitiés aux mamans.

[Lettre à Yves]
14 avril 1917

Mon cher petit Yves,
Maman m’a dit les gentilles petites choses que tu dis en parlant de ton papa. Moi aussi je suis bien content de savoir que c’est toi qui comme un grand garçon met mes lettres à la poste. Mais j’aimerais mieux que tu viennes me chercher à la gare. Peut-être pourras-tu le faire dans un mois. Et alors tu verras arriver ton papa avec tout son barda, moins frais qu’au départ mais avec des galons en plus et surtout plus entraîné. Tu pourras prendre une musette pas trop lourde et le bidon. Tu auras tout à fait l’air d’un petit soldat.
En attendant continue à être sage. Fatigue maman le moins possible et reçois mille bons baisers dans ton petit cou de poulet.

Ton papa sergent qui t’aime bien.
MS.

Embrasse bien pour moi sœurette sur son front et ses petites mains.


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