Lettre du 5 avril 1917 de Marcel Sibaud

Valréas, le 5 avril 1917

 

fleur lettre 5 avril 1917Ma petite chérie,
Enfin voici l’heure où je puis venir causer avec toi. Ah cette permission ! Je m’en faisais trop de joie, je l’attendais avec trop d’impatience. Il fallait que je la paie. Aujourd’hui le capitaine m’a dit quelques mots mais pour le service ; rien sur ma permission, or ce qu’il m’avait dit la veille n’était pas absolument définitif. Demain, veille de mon départ serai-je au moins fixé. Je reposerai la question mais vraiment il m’en coûte. Une seule chose me paraît à peu près sûre, c’est l’heure du départ. L’arrivée à Paris doit avoir lieu vers 7 heures dimanche matin. Je t’enverrai un télégramme. Mais le retour m’effraie. Pourvu qu’on me laisse louer une place dans le train poste. Je pourrais alors ne partir que lundi soir à 20h15. Je m’informerai dès mon arrivée et verrai au besoin le commissaire militaire.
Mais tous ces ennuis pour avoir 8 heures de permission alors que j’ai droit à 5 jours m’affectent profondément. Je t’assure que si je ne tenais tant à vous voir, j’enverrais tout promener et passerais nos deux jours comme mes dimanches à travailler avec peut-être un peu plus de sommeil. Dire que demain il y a encore manœuvre de bataillon.
Vous faites bien de penser au charbon pour l’hiver prochain ; vous et moi surtout avons été trop optimistes l’été dernier ; que ne peut-on vivre avec ses seules ressources et n’avoir rien à demander à personne !
Si je puis prendre le train de poste, je passerais près de 24 heures à la maison ; c’est peu mais enfin ! En tous cas dans un moins de toute façon, j’y serai un peu plus, même si je redoublais. L’emploi du temps indique en effet cette semaine 8e semaine. Il n’y en a que 12 de marquées. Donc le 8 mai, ce sera la dernière.
J’ai lu avec satisfactions le message du président Wilson. Cette condamnation de l’acte biche me satisfait mais je trouve qu’il est trop modéré en disant que c’est le gouvernement et non le peuple qui a voulu la guerre. Si tu n’as pas lu cela, lis-le ; elle vous apporte une précieuse confirmation de l’honneur qu’on a d’être français.
Je crois prochaine la chute de St Quentin. D’autre part le canon gronde en champagne. Je ne désespère pas de voir se produire le mouvement qu’en stratège du café du commerce j’escompte et dont j’attends beaucoup : une puissante attaque en direction du nord qui menaçant les communications boches, les ramènerait sur l’alignement Lille Mézières, libérant presque le territoire. Et puis le front nord jusqu’à la mer bougera bien peut-être un jour. Et Salonique.

Je t’embrasse bien tendrement ainsi que les tout petits.
Ton Marcel

Amitiés aux mamans.


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