Lettre du 20 mars 1917 d’Emilie Sibaud

Vincennes, le 20 mars 1917
Mardi matin

 

Mon chéri,
J’ai reçu hier à 3h ½ ta carte de Pierrelatte, mais pas de lettre. Peut-être aurais-je le plaisir de te lire aujourd’hui à la même heure.
Je viens de voir dans le Matin que nous continuons à avancer. J’ai vu aussi le nouveau ministère, je ne m’y connais guère dans les hommes politiques. Je vois que Ribot n’est plus aux finances ! Que va en dire le directeur !
Ce matin nous avons un vent violent agrémenté de pluie, toute la nuit les persiennes ont remué, nos deux petits n’en ont pas plus mal dormi. Mais Yves prend l’habitude de se réveiller à 6h ½, c’est ennuyeux parce que je ne me lève pas encore. Hier après-midi je suis restée un peu de temps dans le fauteuil. J’ai même fait le tour de la chambre. Mlle Campergue est venue nous voir hier. Elle m’a dit que je pouvais maintenant rester de plus en plus debout et que ce qui me fera le plus de bien sera de pouvoir sortir ; l’air nous sera favorable à toutes les deux, la petite et moi. Elle pousse bien et prend des joues. Je n’ai pas eu de nouveaux malaises ces jours-ci. La doctoresse m’a dit que c’était sans doute un peu d’anémie, que les deux petits ainsi rapprochés m’avaient certainement fatiguée, qu’il ne fallait pas de contrariétés ni d’émotions. C’est facile à dire ! Mais par ces temps troubles, c’est moins facile à faire. Il est vrai que voici quelques temps que je remarque lorsque je suis contrariée, je sens comme une faiblesse qui me prend, mais parlons d’autre chose. Je remarque dans ta carte deux choses. Tu me dis, j’ai pris ma capote, j’ai bien fait, tu as l’air de beaucoup craindre le froid, serais-tu plus souffrant de ce côté ? Et aussi cela m’étonne de toi de parler de ne pas te fatiguer. Remarque que je suis très contente, qui est tout à fait mon avis, que tu es bien assez fatigué comme cela, seulement c’est égal, ça m’étonne de toi et je crains bien que tu le sois joliment pour en parler.
Tandis que je t’écris, Yves s’est installé une voiture dernier cri ! avec le petit banc de bois de la cuisine, devant lui son mouton et son cheval, derrière deux « gros colis », et il fait le « ravitaillement » des « sonnedats » ! Tu ne peux croire les inventions qu’il a !!! Sœurette, elle, dort gentiment près de moi. J’admire son petit visage calme et reposé. Tu vois on l’a faite pour moi, après avoir eu un petit diable, j’étais fatiguée, voici un petit ange. On dirait qu’elle a conscience d’être sage, elle vous regarde comme si elle comprenait. Yves et Marcelle t’envoient leurs bien tendres caresses, pour moi je t’embrasse bien fort, que ma lettre te porte avec mes baisers mon plus affectueux souvenir et l’assurance de ma pensée constamment vers toi.

Tout à toi.
Emilie


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