Lettre du 7 mars 1917 d’Emilie Sibaud

Vincennes, le 7 (mal datée du 6) mars 1917
Mercredi matin

 

Mon chéri,
Je suis désolée que tu n’aies pas reçu la lettre que je t’ai écrite vendredi matin, moi qui tenais tant à te donner de nos nouvelles moi-même pour te montrer que je n’étais pas trop souffrante. Je voulais qu’il n’y ait pas d’arrêt dans notre correspondance habituelle. Je t’ai écrit chaque jour, j’avais donné ma lettre de vendredi à porter à ta mère peut-être l’a-t-elle mise plus tard que je ne la mets les autres fois. Je lui avais bien recommandé de la mettre à la grande poste ; peut-être a-t-elle omis, et tu sais que lorsqu’il s’agit de débrouiller des heures c’est assez difficile avec Mme Sibaud ! Un peu plus elle me disait (ne ris pas) qu’elle l’avait mise à midi, alors que je ne l’ai vue pour la première fois depuis mon accouchement que vendredi après-midi ! Je ne pouvais donc pas lui demander de porter la lettre avant midi ! Cet événement va porter je crois des proportions fantastiques ! Encore quelques jours et ta lettre partie « jeudi » ne te sera pas encore parvenue le jeudi suivant ! Je veux espérer que tu as reçu maintenant mes lettres et que tu es tranquillisé. Je ne comprends pas  comment tu es resté si longtemps sans nouvelles. Je t’ai écrit régulièrement tous les matins, moi qui tenais tant à ce que tu me lises comme les autres jours ! Comme tu as dû être inquiet, mon chéri. Je me disais dimanche et cela m’étais une consolation à mon chagrin d’être si loin de toi, je me disais il a mes lettres, il a des détails sur sa fille, il sait comment tout s’est passé ! Quelle désillusion hier matin en recevant ta dépêche. Maman est allée tout de suite à la poste te mettre un télégramme, que je pense bien tu as reçu.
Ce matin je n’ai pas eu le plaisir de te lire peut-être aurais-je plus de chance à 3h du soir, ta lettre est pour moi la chose la plus heureuse, la meilleure de la journée.
Aujourd’hui je puis m’assoir dans mon lit. Hier au soir pour la première fois j’ai changé ma douce sœurette, elle se laisse faire sa toilette, mettre tous ce que l’on veut sans pleurer, elle a l’air d’être très contente qu’on la nettoie.
Toujours ses nuits sans bouger, hier au soir dernière tétée à 9h ½. Réveil à 6h ¼, parce qu’elle était salie, aussitôt changée et tétée endormie ; jusqu’ici 10 heures, grande toilette, tétée et la voici qui repose allongée dans son moïse comme chaque jour quand je t’écris. Tous les soirs sur son petit front, je mets des baisers pour toi, mon chéri, et Yves avec délicatesse embrasse ses menottes, « que tu es jolie ma sœurette » « comme je t’aime », il dit cela si gentiment qu’à ces moments-là j’ai le cœur gros que tu ne sois pas près de nous ! Si tu entendais les réflexions de Toto, il parle et raisonne tout à fait comme un grand garçon, il est fier de son papa caporal. Il faut arroser tes galons et en même temps… tout bas fêter la naissance de la mignonne qui a voulu naître le même jour que son papa recevait ses premiers galons ! Dieu fasse que ce soit un bon présage ! Maman va te mettre encore une dépêche de crainte que tu n’aies pas de nouvelles autres ! Cela lui a fait bien de la peine aussi que tu restes si longtemps sans avoir de nouvelles ; elle m’a fait plaisir sans le savoir quand elle a dit « ah, comme il a dû être inquiet, quel vilain dimanche il a dû passer ! Ainsi j’en suis peinée ». Maman pense que cela est peut-être dû aux nouveaux changements de trains !
Allons, Yves attend la lettre de son papa caporal- « général », il n’en démord pas ! Maman et lui vont la porter en même temps que la 2e dépêche.
A bientôt le plaisir de te lire, je t’embrasse bien tendrement de tout cœur.
Tout à toi.
Emilie

Je vais voir probablement bientôt mon oncle et les Gallo qui doivent venir. Je pourrai parler de toi, car dans le […], je dois te dire qu’ils ne t’avaient pas oublié !
Baisers de Toto.
Amitiés des mamans.

Télégramme
« Parfaite santé. Marcelle très douce.
Baisers ».

Télégramme du 7 mars 1917

 

 

 

 


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