Lettre du 6 mars 1917 d’Emilie Sibaud

Vincennes, le 6 mars 1917
Mardi matin

 

Mon chéri,
Je viens de recevoir ta lettre du 3 mars, à cette date  tu n’as pas encore reçu de lettre te donnant des détails mais tu as dû en avoir une dimanche et tu dois être tranquillisé sur notre sort. La petite Marcelle se porte bien et tète avec vigueur. Elle est très sage, dort bien ses nuits et comme chaque matin elle repose dans son petit lit tandis que je t’écris. Elle ne pleure que pour être changée et boire à ses heures, mais elle aime être propre et alors qu’elle ne pleure pas tandis qu’on la nettoie, elle bouge, pleurniche aussitôt qu’elle est salie, elle ne doit pas avoir de coliques, en tout cas ne le devrait pas, elle évacue beaucoup et d’une couleur jaune d’œuf superbe. Elle commence à regarder, on dirait qu’elle voit ! Ce n’est plus du tout le même caractère qu’Yves, elle est très douce et peu exigeante. Je t’avoue que je n’y ai aucun mérite. Je me demande si j’aurais eu plus de courage pour la laisser crier ? … j’en doute ! C’est bien elle la mignonne qui veut être sage voilà tout ! Son frère a pris son rôle d’aîné au sérieux, il ne bouge plus de la nuit et s’endort comme une masse aussitôt dans son lit ; par exemple il lui vient une voix énorme ! Ah là ce n’est plus une fille ! < voix de basse ! >. Que je voudrais te voir que j’aurais de choses à te dire. J’ai beau essayer de grouper un peu ce que je veux t’écrire, il y en a tant que je ne dis pas la moitié de ce que je veux, il faudrait que je t’écrive toute la journée. Il n’y a que là que je sois un peu moins triste, je me sens si seule, sans toi, si je n’avais ta chère lettre chaque jour, je ne sais ce que je deviendrais. Aussitôt que je l’ai reçue j’y réponds alors pendant cette heure, cette demi-heure, je ne veux plus entendre ce qui se passe autour de moi. Je suis tout à toi, ce n’est pas une petite chose, sais-tu de vouloir s’isoler un peu ! Tu connais la maison ! Perpétuellement on entend maman crier après Yves, à moins que par un moyen quelconque « histoire du petit garçon dans la montagne » ou autre je parvienne à tenir Yves assis près de moi. Cela m’est excessivement pénible, d’autant qu’il est si gentil avec moi et si doux pour sœurette ! Seulement on sent qu’il a besoin de sortir, de courir. Autrefois on se plaignait qu’il ne pouvait pas jouer seul, aujourd’hui qu’il veut courir dans le couloir, se dépenser un peu, on n’est à lui dire continuellement, ne crie pas ! Ne bouge pas ! Cela m’ennuie bien plus d’entendre lui dire cela que de l’entendre jouer comme il est de son âge. Mais que je ne te fatigue pas trop avec mes détails ! Ah si tu étais là que m’importerait tout le reste ! Si seulement j’avais l’espoir de te voir à Pâques ! J’essaye de me consoler en me disant que tu trouverais notre mignonne fille jolie, notre grand garçon devenu tout à fait un jeune homme comme il dit. Et leur maman redevenue sinon aussi jeune qu’autrefois, cela on ne revient pas en arrière, de moins plus svelte qu’à ton départ et redevenue alerte !
Maintenant que je suive et réponde à ta lettre. Je suis bien contente que mon petit envoi te plaise, je compte te renvoyer des croquettes, du pain d’épices et le petit pot de fer garni de confiture, le sucre est-il utile ?
En effet j’ai touché le nouveau traitement comme tu le pensais !
Je crois que tu économises trop. Continues-tu au moins ton vin blanc ? J’y tiens absolument.
Heureusement que l’on vous a un peu moins surmenés, vraiment cela était exagérer, ce que tu me dis pour le dessin est ridicule, mais ne m’étonne pas du tout !
Pour les friandises que tu as envoyées, je dois te dire que j’y avais bien goûté, surtout les petits berlingots rafraîchissent bien la bouche. Encore une fois merci pour bébé Yves et sa maman.
Tu peux être tranquille, Yves est gentil avec sa petite sœur, il n’est pas jaloux du tout. Je crois que comme tous il a ses défauts bien entendu, mais qu’il a un bon cœur. (Réflexion d’Yves qui me regarde écrire) « Maman faut pas sucer ton crayon, ça fait bobo », deux secondes après « et ça n’écrit pas mieux ».
A l’instant je reçois ta dépêche, je n’y comprends rien je t’ai écris tous les jours !
Je te quitte maman va te mettre une dépêche.

Meilleurs baisers.
Tout à toi.
Emilie

Télégramme
« Tout va bien, émilie écrit lettres vendredi samedi »
Bellet

Télégramme du 6 mars 1917

 

 

 

 

 


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