Lettre du 24 février 1917 matin d’Emilie Sibaud

Vincennes, le 24 février 1917
Samedi matin

 

Mon chéri,
Merci de ta longue lettre, j’ai été heureuse de te lire ce matin, d’avoir de tes bonnes nouvelles.
Mais je vois que tu n’as toujours pas beaucoup de temps à toi, ne vas pas au-dessus de tes forces. Je te le rappelle, l’énergie n’est pas tout, je sais que c’est un peu dans ton habitude de croire que vouloir c’est pouvoir, il y a des bornes. Tu as beau être courageux, ta santé n’est pas tellement inébranlable que tu puisses tout faire sans en souffrir, tu n’as guère été habitué à ces genres d’exercices physiques et si du moins ta tête est habituée à beaucoup donner, ce ne doit pas être sans fatigue non plus, dors-tu au moins ?
Cela doit t’intéresser de dessiner toi qui aime tant cela. Je serais bien contente de voir le croquis que tu prendras de l’église.
Toutes mes félicitations pour ton futur grade, mais j’ai peur que tu fasses trop bien et que cela te fasse partir plus tôt.
Je vais t’envoyer le fameux colis, je joins au papier que tu m’as demandé un pavé de pain d’épices, un cake, du chocolat en croquette, un petit pot de fer de confiture et un de miel ; je ne vois pas autre chose à te mettre pour le moment, pour ce qui est de la lampe électrique et du porte-carte, je te le ferai envoyer autrement aussitôt que tu m’auras dis au juste comment tu les veux.
Ce matin j’ai rempli la feuille pour le sucre. C’est Mme Huret qui nous l’a apporté en allant pour elle. Elle en a pris une pour nous, je dois reconnaître qu’elle a été très complaisante, et cherche par tous les moyens à nous faire plaisir et à nous rendre les complaisances que nous lui avons rendu la première année de la guerre ; quand tu auras une petite minute, tu pourras peut-être leur envoyer une carte avec deux mots.
Yves a été très heureux de te lire, et il raconte partout que tu n’es plus en bleu mais en blanc, mais que tu as tout de même tes bandes bleues et ton casque, et tout ton « barda ! » en parle-t-il de son « papasonnedat » !
C’est pour lui une vraie fête de t’écrire sa petite lettre, et il faut le voir me dire « je veux dire ça ! » il faut qu’il t’écrive ce qui lui passe par la tête.
Nos santés sont bonnes et pour l’événement, j’attends toujours… Allons je te quitte mon chéri en t’embrassant bien tendrement de tout cœur.
Tout à toi.
Emilie

Lettre d’Yves
24.2.1917

Mon cher papa,
Merci de ta grande lettre, je suis sonnedat [soldat] comme toi je fais une-deux, une-deux. Quand tu auras des galons j’en mettrai aussi, tu les gagneras pour nous deux.
Je suis bien sage, je suis un jeune homme, mais j’attends toujours le petit frère ou la petite sœur. Il y a un beau lit mignon, mignon. Pan ! Je t’embrasse fort et je te fais un petit gratouillis dans ton oreille.
Ton petit Yves


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