Lettre du 14 avril 1917 d’Emilie Sibaud

Vincennes, le 14 avril 1917
Samedi matin

 

Mon chéri,
Je n’ai pas encore eu de tes nouvelles, que c’est long, depuis mardi matin que je t’ai quittée !
Hier j’ai sorti sœurette avec Yves, il faisait bon au soleil. J’ai eu la visite d’Albertine, elle venait de chez la mère du capitaine Riboux. Je ne sais si tu te souviens dans l’avenue des Charmes ?
Il paraîtrait que la face des choses va bien changer et qu’il est plein d’espoir. Toujours de tuyaux plus ou moins véridique mais enfin il vaut mieux entendre ça que des propos alarmistes. En tout cas ce matin, le communiqué est bon. Le fils Bouisson est maintenant dans l’artillerie lourde, et le fils Lombard dans l’artillerie comme par hasard.
J’ai interrompu ma lettre pour donner le bain à sœurette et à Toto, elle dort j’en profite pour venir de nouveau causer avec toi.
J’espère que j’aurai peut-être une lettre de toi à 3h ½, ce voyage a dû être bien dur. Et malgré ton télégramme rassurant, je voudrais bien savoir comment tu te portes.
Hier c’était vendredi 13, cette date m’effraie mais je crois que tu n’y portes guère attention !
Il fait beau, le soleil brille, je vais sortir les enfants. Cette promenade, qui me serait si agréable auprès de toi, perd de son charme. Comment peut-on se battre quand les arbres verdissent aussi, que le ciel est si bleu. Toute la nature semble en fête et le monde entier tremble ! Ah, quand cela finira-t-il ?
Je te quitte plus vite que je ne voudrais pour m’occuper des enfants. A demain mon chéri.
Je t’embrasse mille et mille fois.
Tout à toi.

Emilie

Baisers de Toto et de sœurette.


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Lettre du 14 avril 1917 de Marcel Sibaud

Valréas, le 14 avril 1917

 

Ma petite chérie,
Ta lettre de ce matin m’a un peu tranquillisé. Espérons que tu n’auras pas de nouveau malaise et pour cela ne te fatigue pas trop. Par exemple je ne puis évidemment que t’approuver de reprendre le bain quotidien des petits. Mais cela va être encore de la fatigue pour toi. Et ma foi, quand tu ne leur en donnerais que deux par semaine pour donner un chiffre, ils ne s’en porteraient pas plus mal, je crois et tu t’en trouverais mieux. Tu as laissé en blanc le poids d’Yves. Pour sœurette l’augmentation me paraît intéressante. Mais je ne me souviens plus si Yves avait fait mieux. Je pense que lui n’est pas en diminution, malgré son malaise. Je suis content de savoir que sœurette aussi aime l’eau. A quand les 4 petits pieds sur le sable humide de la baie de Carnac ?
Je suis bien content aussi de savoir qu’Yves est bien sage et qu’il pense à son papa.
Ici la journée n’a pas été dure. Ce matin dessin panoramique où le professeur m’a confirmé que j’avais eu très bien la dernière fois. Puis levé topographique pas embêtant. Ce soir manœuvre de mitrailleuse où nous n’avions qu’à regarder.
Les bruits les plus divers commencent à courir sur la fin du cours. D’après l’un 50 élèves passeraient un examen, d’après l’autre il y en aurait 3 chez nous. D’après un autre la semaine qui vient serait semaine d’examen. D’après un quatrième, il y en aurait un qui redoublerait mais nullement pours insuffisance. C’est possible, mais je crois que dans tout cela, il y a beaucoup d’imagination. Ce qu’il y a de plus réel, c’est que l’un des redoublants du précédent cours, celui qui était aux troupes indigènes à Fréjus, y reste comme instructeur pour de nouvelles troupes qui vont arriver. A défaut d’affectation plus agréable, je crois décidément de plus en plus que je chercherais, si je suis reçu, à m’orienter vers les mitrailleuses.
Si tu vois ton oncle, fais lui bien toutes mes amitiés. Je lui ai écrit plusieurs fois ; je ne veux pas l’inonder de lettres. Ce sera donc toi qui lui annonceras mes galons de sergent. Selon ce que tu me diras de ta visite, j’écrirai à nouveau à Auteuil.
Le temps n’est pas bien beau mais il se réchauffe assez. Peut-être pourrai-je bientôt quitter mon chandail.
Quand tu m’enverras un colis, si tu tiens à m’en envoyer un, mets-moi une boîte de graisse ouralienne de chez Brunet (0fr75).
Je te quitte en t’embrassant mille et mille fois ainsi que les petits.

Ton Marcel.

Amitiés aux mamans.

[Lettre à Yves]
14 avril 1917

Mon cher petit Yves,
Maman m’a dit les gentilles petites choses que tu dis en parlant de ton papa. Moi aussi je suis bien content de savoir que c’est toi qui comme un grand garçon met mes lettres à la poste. Mais j’aimerais mieux que tu viennes me chercher à la gare. Peut-être pourras-tu le faire dans un mois. Et alors tu verras arriver ton papa avec tout son barda, moins frais qu’au départ mais avec des galons en plus et surtout plus entraîné. Tu pourras prendre une musette pas trop lourde et le bidon. Tu auras tout à fait l’air d’un petit soldat.
En attendant continue à être sage. Fatigue maman le moins possible et reçois mille bons baisers dans ton petit cou de poulet.

Ton papa sergent qui t’aime bien.
MS.

Embrasse bien pour moi sœurette sur son front et ses petites mains.


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Lettre du 13 avril 1917 d’Emilie Sibaud

Vincennes, le 13 avril 1917
Vendredi matin

 

Mon chéri,
Je n’ai pas eu encore le plaisir de recevoir de lettres de toi, je m’y attendais bien un peu mais cela me semble bien long.
Hier nous avons reçu une aimable carte de Suzanne adressée à « Melle Marcelle Sibaud », elle vient de Limoges, les voici de retour.
J’ai eu la visite de Mme Sibaud hier aussi, nous avons été acheté les souliers d’Yves, ils me plaisent bien. Je les conserve pour ton séjour près de nous pour parer le mieux possible ton grand garçon.
Maman va retourner voir aujourd’hui pour le charbon chez Bernot. Mais je n’ai pas très grande confiance !
Je vais écrire ces jours-ci à Clermont pour leur dire comment je t’ai trouvé. Je suis si contente de parler de toi, rien que pour la façon dont ils me parlent de toi, je les affectionne particulièrement.
Aujourd’hui je vais continuer les bains de sœurette, elle a l’air si contente dans l’eau, la mignonne. Ce qui m’ennuie c’est de ne pouvoir la faire sortir comme je voudrais, si seulement j’avais la voiture, cela me permettrait de lui faire prendre l’air sans risque de lui faire attraper froid. J’ai communiqué les prix pour la réparation et ta mère les a trouvés bien coûteux, surtout que la marchande craint pour les rayons des roues. 47 fr, c’est le prix de la voiture neuve. Ta mère va demander au Bon Marché mais je doute que ce soit beaucoup moins cher. J’ai bien peur qu’il ne me la garde longtemps et sœurette devient lourde à porter. Ta mère pensait que la réparation monterait à 25 fr. Je suis d’avis que la voiture ne vaux pas plus, mais je n’ai rien dit, je ne sais trop comment faire, c’est très délicat. Ta mère me l’ayant offerte et offrant aussi la réparation, je ne peux pas dire la voiture ne vaux pas cette réparation, d’un autre côté je ne peux pas m’en servir sans !
Enfin ce sont de petits détails dont tu n’as pas à t’occuper. Mais je te raconte tout cela, j’en ai tellement l’habitude !
Voici sœurette qui s’éveille, je vais être obligée de te quitter, elle réclame.
Au revoir, mon chéri à bientôt je l’espère le plaisir de te lire. Je t’embrasse mille et mille fois de tout cœur.
Tout à toi.

Emilie


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Lettre du 13 avril 1917 de Marcel Sibaud

Valréas, le 13 avril 1917

 

Ma petite chérie,
D’ordinaire le vendredi 13 me réussit bien et de fait j’ai reçu deux lettres de toi.
La 1ère me tranquillisait sur ton retour à la maison, retour toute seule comme une pauvre petite malheureuse mais retour sans encombre. Le petit mot d’Yves aussi m’avait fait bien plaisir. Certes j’aurais été content de l’embrasser avant de partir et même sur le quai, mais je m’en serais voulu et pour lui et pour toi de le réveiller. Je suis parti avec son image de petit ange endormi dans ces poses gracieuses qu’il prend naturellement. Et ton retour a pu être plus aisé qu’il n’eut été avec lui.
Mais ta seconde lettre m’a peiné. J’avais comme une sorte de pressentiment que tu ne disais pas aller bien et hier soir je te demandais spécialement de tes nouvelles. Tu avais été très fatiguée pendant mon séjour ; tu t’étais beaucoup tourmentée avant et le départ aussi t’avait secouée. Je craignais trop justement hélas que tu ne t’en ressentes. Pourvu que cela ne soit rien et que tu n’aies pas pris mal avec ce satané temps. J’attendrai d’autant plus impatiemment ta prochaine lettre.
Je regrette aussi beaucoup que ta mère n’aille toujours pas bien, il faut qu’elle se soigne et se soutienne ; n’hésite pas à faire venir la doctoresse.
En revanche je suis heureux que sœurette ne soit pas enrhumée. Si jeune, c’est toujours ennuyeux.
Si c’est de la brosse à dents que tu as voulu me parler, ne t’inquiète pas, je l’ai laissée exprès car j’ai retrouvé la mienne qui s’était glissé dans mon petit capuchon.
Ne te bouscule pas pour un colis. Je n’ai pas encore fini les confitures et ma boîte de pâté n’est pas ouverte. Quant au quatre-quarts, il sera toujours le bienvenu, surtout fait par toi.
Le temps ici aussi est mauvais. Il a plu toute la nuit, mais il ne fait pas froid et j’ai û quitter mon chandail pour la nuit et ne pas mettre ma capote sur mes pieds. Je me suis couché tôt et levé pas de trop bonne heure. Mais j’ai toujours les jambes fatiguées d’une façon incroyable. J’ai peiné à lever les pieds pour monter une marche. Quant à courir j’en suis à peu près incapable. Quelques jours d’arrêt font apparaître la fatigue et l’on a beaucoup de mal à se remettre en train.
Heureusement demain il n’y a pas manœuvre de bataillon et dimanche je me reposerai. Ce soir encore je ne me coucherai pas tard.
D’après de nouveaux tuyaux les cours dureraient jusqu’au 11 mai et le départ serait pour le 12. En outre la permission de fin de cours n’empêcherait pas d’avoir la permission de détente sans préjudice de celle d’équipement ; cela ferait près de 3 semaines.
Il vient de partir une quinzaine de coloniaux déjà nommés.
Je te quitte ma petite chérie en t’embrassant mille et mille fois ainsi que les chers petits.

Ton Marcel

Amitiés aux mamans.


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Lettre du 12 avril 1917 d’Emilie Sibaud

Vincennes, le 12 avril 1917
Jeudi

 

Mon chéri,
Que je te dise tout d’abord pour ta tranquillité que je suis tout à fait remise. Aujourd’hui le temps est moins vilain, beaucoup de vent mais du soleil. Je vais sortir Yves qui en meurt d’envie. Nous allons aller porter ta lettre à la poste.
Ce matin j’ai baigné et pesé les enfants, voici les poids : Yves…sœurette 4k 635. Elle a été sage, elle allongeait ses petites jambes dans l’eau, pas un cri, quand elle a été mise dans son peignoir bien chaud, elle s’est mise à rire et après une bonne tétée, elle a dormi pendant 2h. Je vais reprendre le bain quotidien aussi bien pour Yves que pour sœurette.
Et toi mon chéri, comment te trouves-tu ? Ne vous a-t-on pas trop surmené en arrivant ? Je n’ose encore espérer de lettre de toi maintenant.
Yves a été hier d’une sagesse exemplaire et je lui ai dit que je te l’écrirais ; il a déjeuné et dîné tout seul sans en laisser tomber un petit morceau à terre, un véritable petit homme. Aussi il était fier à l’idée que tu le saurais. Ce matin il vient de me dire qu’il aimerait mieux aller te chercher à la gare que de te porter ta lettre à la poste : « je voudrais que mon papa vienne ! » « je l’aime grand comme lui mon papa », nous a-t-il dit. C’est gentil, ne trouves-tu pas ?
Les communiqués n’ont pas l’air mauvais. Quand donc la fin qui nous réunirait pour de bon, blottis dans notre chez nous, qu’importe que la vie soit moins large après, qu’importe quelques privations ! Si nous est rendue la vie d’intérieur d’autrefois avec nos tout petits qui l’embelliront encore. Pouvons-nous être plus heureux que ces trois belles années de la rue Chevert ? Ce n’est jamais sans une profonde émotion que j’y songe à ces années-là ! où j’ai été si heureuse. Mais elles reviendront, il faut bien espérer. Nous aurons alors soufferts, elles nous paraîtront peut-être encore plus belles qu’alors où nous n’avions pas été malheureux. Et puis il y aura Yves qui sera un beau et gentil, déjà sérieux, garçonnet, et notre bambinette qui j’en suis certaine saura se faire aimer par son papa, pour son caractère doux et sa mignonne figure.
J’ai bien hâte de savoir comment s’est passé ton voyage.
Je te quitte pour aujourd’hui voulant que ta lettre te parvienne à l’heure.
Au revoir mon chéri, à bientôt je l’espère de tes bonnes nouvelles. Je t’embrasse mille et mille fois.
Tout à toi.
Emilie

Bébé Yves et sœurette t’envoient leurs meilleures et bien tendres caresses.


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