Lettre du 12 avril 1917 d’Emilie Sibaud

Vincennes, le 12 avril 1917
Jeudi

 

Mon chéri,
Que je te dise tout d’abord pour ta tranquillité que je suis tout à fait remise. Aujourd’hui le temps est moins vilain, beaucoup de vent mais du soleil. Je vais sortir Yves qui en meurt d’envie. Nous allons aller porter ta lettre à la poste.
Ce matin j’ai baigné et pesé les enfants, voici les poids : Yves…sœurette 4k 635. Elle a été sage, elle allongeait ses petites jambes dans l’eau, pas un cri, quand elle a été mise dans son peignoir bien chaud, elle s’est mise à rire et après une bonne tétée, elle a dormi pendant 2h. Je vais reprendre le bain quotidien aussi bien pour Yves que pour sœurette.
Et toi mon chéri, comment te trouves-tu ? Ne vous a-t-on pas trop surmené en arrivant ? Je n’ose encore espérer de lettre de toi maintenant.
Yves a été hier d’une sagesse exemplaire et je lui ai dit que je te l’écrirais ; il a déjeuné et dîné tout seul sans en laisser tomber un petit morceau à terre, un véritable petit homme. Aussi il était fier à l’idée que tu le saurais. Ce matin il vient de me dire qu’il aimerait mieux aller te chercher à la gare que de te porter ta lettre à la poste : « je voudrais que mon papa vienne ! » « je l’aime grand comme lui mon papa », nous a-t-il dit. C’est gentil, ne trouves-tu pas ?
Les communiqués n’ont pas l’air mauvais. Quand donc la fin qui nous réunirait pour de bon, blottis dans notre chez nous, qu’importe que la vie soit moins large après, qu’importe quelques privations ! Si nous est rendue la vie d’intérieur d’autrefois avec nos tout petits qui l’embelliront encore. Pouvons-nous être plus heureux que ces trois belles années de la rue Chevert ? Ce n’est jamais sans une profonde émotion que j’y songe à ces années-là ! où j’ai été si heureuse. Mais elles reviendront, il faut bien espérer. Nous aurons alors soufferts, elles nous paraîtront peut-être encore plus belles qu’alors où nous n’avions pas été malheureux. Et puis il y aura Yves qui sera un beau et gentil, déjà sérieux, garçonnet, et notre bambinette qui j’en suis certaine saura se faire aimer par son papa, pour son caractère doux et sa mignonne figure.
J’ai bien hâte de savoir comment s’est passé ton voyage.
Je te quitte pour aujourd’hui voulant que ta lettre te parvienne à l’heure.
Au revoir mon chéri, à bientôt je l’espère de tes bonnes nouvelles. Je t’embrasse mille et mille fois.
Tout à toi.
Emilie

Bébé Yves et sœurette t’envoient leurs meilleures et bien tendres caresses.


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