Lettre du 17 avril 1917 de Marcel Sibaud

Valréas, le 17 avril 1917

 

Ma petite chérie,
Je suis heureux de savoir que tu as reçu ma lettre et que vous avez eu beau temps. Ici le vent recommence.
Tu remercieras bien ta mère des gâteaux qu’elle a faits à mon intention. Je n’ai plus besoin de papier car j’en ai emporté d’autre mardi. Quant à la brosse je t’en ai déjà parlé.
J’espère que ta mère va aller mieux surtout si le temps se décide à s’améliorer.
Ce que tu me racontes d’Yves m’a bien amusé et je suis heureux qu’il devienne vraiment sage.
Ici les bruits varient et continuent à courir. On prétend que nous n’aurons pas de permission, cela m’étonne beaucoup et je n’y crois pas. En tous cas j’aurai mes 4 mois pour une permission de détente.
D’après ce que je crois savoir, c’est au commandant et au colonel que les instructeurs doivent remettre leurs propositions pour le 21. Les 2 semaines suivantes serviront à examiner les douteux. Je voudrais bien ne pas en être. Je n’ai pu parler au capitaine aujourd’hui.
J’ai vu Maurel avec qui j’ai parlé de l’affectation éventuelle. Il m’a fait l’éloge des Sénégalais avec lesquels si l’on a de la chance on est sûr de revenir à l’arrière en septembre ou octobre pour jusqu’en avril (ceci dans l’hypothèse d’une nouvelle campagne d’hiver, ce qui je l’espère encore sera évité). D’après lui qui est mitrailleur, le poste de lieutenant mitrailleur est très bon mais si recherché qu’on ne peut guère compter l’obtenir. Je n’ai donc aucune orientation nette sur une affectation éventuelle. Le 23e colonial en tous cas présenterait l’avantage d’être à Paris. Il opère sur le front français et participe à la grande offensive dont je te parlais hier et qui nous a déjà valu 10 000 prisonniers et ce n’est pas fini.
Peut-être demain pourrai-je réussir à avoir une indication sur ce qui m’attend. Si elle est bonne, je crois que le mieux serait peut-être de m’en remettre à l’appréciation de qui tu sais.
Je te quitte ma petite chérie en t’embrassant mille et mille fois.
Ton Marcel

Bons baisers aux petits.
Amitiés aux mamans.

[Lettre à Yves]
Mon cher petit Toto (non Yves),
Tu es bien gentil d’avoir collaboré à la confection des gâteaux pour ton papa sergent. Tu me dis qu’ils sont bons bons, je n’en doute pas ; mais je suppose que si tu en parles ainsi c’est que tu en as goûté ; c’est sans doute cela surtout qui a constitué ta collaboration. Si pourtant je me trompe et que tu n’y aies pas goûté, il faut le faire sans tarder et je serai très content de recevoir un gâteau qui aurait été entamé par mon petit Yves. Je vois que sœurette et toi, vous êtes tout à fait de grandes personnes ! Vous recevez déjà de la correspondance. Il ne faudra pas manquer d’en remercier les aimables expéditeurs et tu demanderas à maman si je ne ferais pas bien de leur envoyer une petite boîte de berlingots.
Mille bons baisers de papa sonnedat.

MS.


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Lettre du 16 avril 1917 d’Emilie Sibaud

Vincennes, le 16 avril 1917
Lundi matin

 

Mon chéri,
Je viens de recevoir ce matin ta lettre du 12 avril, je vois que l’on parle déjà de permission ! Comme le temps passe ! bien long à certain point de vue et trop court pour d’autres.
Hier après-midi, pluie, aussi nous ne sommes pas sortis, les heures ont passé lentes et grises, triste dimanche !
Il n’est plus question du rhume de sœurette, ni de l’indisposition d’Yves heureusement.
Maman aussi va mieux mais elle est toujours très fatiguée et très énervée ; son caractère s’en ressent. Heureusement que je n’y porte guère attention, j’ai d’autres soucis en tête. Quand je reste silencieuse, ça ne va pas ; quand je parle, alors c’est pour discuter ; cela me fatigue, j’y renonce ! Il faudrait parler continuellement de provisions, de charbon, de pommes de terre, etc. J’ai la tête autre part, déjà en temps normal je parle assez peu de toutes ces petites choses, mais maintenant encore bien moins. Avec cela nous n’avons pas du tout la même façon de voir et de penser, en somme je suis très seule sans en avoir l’air. Heureusement que j’ai nos chers tout petits et les souvenirs des jours heureux passés près de toi, sans quoi j’aurai de véritables moments de désespérance. Maman a bien changé ces dernières années ! Je sais bien que la vie n’a pas été très bonne pour elle, mais chacun a ses peines et ce n’est pas parce que jusqu’ici j’avais été heureuse, que j’en ressens moins la douloureuse de la situation présente au contraire. Et bien je t’assure que je ne me plains jamais et qu’à l’encontre de maman, la peine morale m’empêche de penser aux petits inconvénients, à la fatigue de la vie maternelle. Non, je me dis, s’il n’y avait que ça, comme on pourrait être heureux ; l’argent ne fait pas le bonheur, la vie sera un peu plus dure qu’autrefois forcément, mais cela n’est rien, que nous soyons tous réunis bientôt, que j’ai ta chère présence et je m’estimerais très heureuse.
Mais parlons du présent. N’as-tu pas d’autres tuyaux quant aux affectations. Et pour ta permission, mois aussi j’aimerais mieux que tu passes par Clermont. Je ne serai pas fâchée qu’Oncle Emile te donne une consultation et te voit un peu question santé.
Je vais emmener Yves porter ta lettre. Notre vie est toujours à peu près la même, le matin je baigne les enfants, petit-déjeuner, un tout petit peu de ménage, je m’habille, j’écris ta chère lettre, et nous allons la porter avec Yves, après le déjeuner promenade au soleil, retour à la maison, goûter, un court instant de couture, le dîner vient vite et coucher, cela semble un programme bien simple et peu chargé, et bien pourtant il ne faut pas perdre une minute pour l’accomplir et encore pas aussi complètement que je désirerais.
Je te quitte mon chéri en t’embrassant mille et mille fois.
Tout à toi.

Emilie

Bonnes caresses et gros baisers de petite mama et de grand Toto.


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Lettre du 16 avril 1917 de Marcel Sibaud

Valréas, le 16 avril 1917

 

Ma petite chérie,
J’ai été surpris de voir que samedi matin tu n’avais pas encore de lettre de moi. Je t’ai pourtant écrit le mercredi soi à l’heure habituelle et depuis régulièrement chaque soir.
Je crois comme on t’a dit que nous sommes à la veille de grands événements. Une importante action, qui me paraissait s’imposer depuis quelques temps, viendrait de commencer et si je croyais pouvoir te dire les objectifs, tu verrais que c’est fort intéressant.
Est-ce à cause des événements ou pour toute autre raison, l’école de Valréas aura vécu après ce cours-ci. Aussi la promotion s’appellera-t-elle de Villantroix, du nom du colonel (au lieu d’un autre nom qui avait été envisagé d’abord). Il était donc temps que je vienne et Devoyod, s’il est pris, n’en pourra faire autant. Il n’y aura plus d’école d’officiers qu’au front.
Aujourd’hui j’ai commandé. J’avais bien vu du 1er coup ce qu’il fallait faire ; mais j’ai eu le tort de me laisser influencer par certaines remarques et j’ai plus mal fait. Je voudrais bien être fixé sur ce qui m’attend et peut-être me déciderai-je à le demander au capitaine. Je voudrais aussi avoir de lui confirmation que les affectations des coloniaux se font au Ministère. Autant que je puisse me rendre compte, on doit pouvoir quitter la coloniale pour aller dans l’infanterie de ligne pourvu qu’on trouve un permutant. Mais jusqu’ici la coloniale ne m’a pas mal réussi et j’aurai peut-être  tort de cherche à la quitter. Si tu parles de mon affectation, je te rappelle que je ne suis pas vacciné pour la typhoïde et que certaine opération serait je crois nécessaire. Le capitaine m’a rendu mon carnet encore avec un bien. J’ai beau faire, je crois que crois que je n’arriverai pas au « très bien ».
J’ai reçu un mot charmant des dames Salignons qui m’attendent dimanche et m’annoncent que la plus jeune d’entre elles viendra au devant de moi à la gare. Je vais répondre que je ferai plutôt le trajet à pied pour ne pas arriver en retard.
Que porterai-je ? Fleurs ou nougats ou berlingots. Nous en avons déjà parlé et tu as opiné, je crois, pour les comestibles. Qu’en penses-tu ?
Je te quitte, ma petite chérie, en t’embrassant mille et mille fois.

Ton Marcel

Bons baisers aux petits. Amitiés aux mamans.

Par 2 fois, comme il trouvait que je ne rampais pas assez et risquais d’être vu de l’ennemi supposé, le capitaine m’a dit : « Sibaud, n’oubliez pas que vous avez 2 enfants. Pas de suicide ! ». Je veux croire qu’il ne plaisanterait pas ainsi s’il voulait me recaler ou me faire passer un examen.


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Lettre du 15 avril 1917 d’Emilie Sibaud

Vincennes, le 15 avril 1917
Dimanche

 

Mon chéri,
Enfin j’ai eu le plaisir de recevoir de tes bonnes nouvelles hier au soir, je suis bien contente que ton voyage se soit passé sans trop te fatiguer.
Nous voici déjà le 15 ! On ne sait plus que désirer ! Il faut que je me dépêche d’aller voir les Gallo avant le 21.
Hier nous avons eu beau temps, j’ai sorti les deux enfants toute l’après-midi, mais sœurette commence à être lourde.
Ce matin il fait moins beau, Yves va venir avec moi porter cette lettre. Maman t’a fabriqué deux gâteaux quatre-quarts, comme tu les aimes. Nous allons les mettre dans ton colis avec des confitures, des œufs durs et je ne sais encore trop quoi… et surtout ton papier blanc et ta brosse que tu as oubliée.
La santé commence à se remettre ici. Espérons que le beau temps va contribuer à nous remettre d’aplomb tous. Pour moi d’ailleurs je vais bien, ce que j’en dis c’est plutôt pour Maman qui est très fatiguée, les enfants deviennent de plus en plus mignons ! Yves est très remarqué sur le cours Marigny, tout le monde lui donne 3 ans et même 3 ans ½. Il partage très bien les jeux d’enfants de 5 et 7 ans. Il est la poupée des fillettes de cet âge, il se laisse assez bien complimenter, mais il ne veut pas faire le bébé ; il veut être le papa des poupées, c’est très amusant de le voir ! Maintenant il reconnait les personnes, aussi hier il est allé donner la main à une fillette de chez ta mère. Cette jeune fille de 6 ans et ce jeune homme de 2 ans ½ se sont dit bonjour avec un sérieux et une  correction qu’on aurait pu croire une grande personne !
Hier Mme Bertin l’a monté dans ses bras et il fait de grandes conversations avec la plus jeune des demoiselles.
J’ai été bien heureux de lire les détails que tu m’as donné dans ta lettre, ils m’ont beaucoup intéressée et je vais les communiquer à mon oncle.
Quelle différence entre ce dimanche-ci et le dernier ! J’essaye de puiser dans le souvenir heureux du précédent, du courage pour passer celui-ci.
Au revoir mon aimé, à bientôt de tes bonnes nouvelles. Je t’embrasse mille et mille fois.
Tout à toi

Emilie

[Lettre d’Yves]
Mon cher papa chéri,
Je t’ai fait avec tata des gâteaux qui sont bons bons bons ! Tu verras ! Hier j’ai reçu une carte de tante Anna, elle me disait « gros baisers à petit Yves de sa tata Gallo ». Suzanne avait envoyé une carte à sœurette, chacune la notre. Je te laisse ta place dans le grand lit, je voudrais bien que tu viennes. Nous deux, moi et sœurette, on se mettra dans tes bras.
Les Français et les Anglais prennent beaucoup de boches, peut-être que bientôt y en aura plus. Je voudrais bien pour que tu reviennes vite auprès de tes petits enfants et de leur maman.

Ton Yves


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Lettre du 15 avril 1917 de Marcel Sibaud

Valréas, le 15 avril 1917

 

Ma petite chérie,
Aujourd’hui encore je n’aurai pas rempli tout le programme que je m’étais fixé. J’ai fait à peu près tout ce que je voulais au point de vue hygiène et travail mais la correspondance est restée en panne.
Le temps était médiocre mais pas froid. Repas bien mauvais pour un dimanche. J’ai dû ce soir entamer mon pâté de foie de chez Gervaux, il est exquis. Le professeur de dessin vient déjà de rendre le dernier dessin ; j’ai encore très bien.
J’ai reçu ta lettre dès le matin, c’était un bon début.
Tu me dis que ta mère va retourner chez Bernot ; est-ce qu’elle va mieux ? Il ne faudrait pas qu’elle aille encore mal à attendre aux intempéries.
Je ne sais si je t’ai demandé au cas où tu m’enverrais un colis de me mettre un tube de vaseline goménolée, non que je sois le moins du monde enrhumé, mais par mesure de simple précaution.
Le programme de la semaine prochaine comprend beaucoup d’exercices sur le terrain ; heureusement je me suis bien reposé. Si je ne craignais encore des changements de temps, j’allégerais un peu mes vêtements qui sont maintenant trop chaud quand on se donne du mouvement.
Je quitterais par exemple mon chandail et remplacerais mon pantalon de drap par un de toile au lieu de mettre comme maintenant l’un sur l’autre. Mais je crois plus prudent d’attendre encore un peu.
Les nouvelles continuent d’être très satisfaisantes. Peut-être cette fois l’offensive anglaise sera-t-elle continuée.
Je te quitte ma petite chérie en t’embrassant mille et mille fois.

Ton Marcel

Bons baisers aux petits, amitiés aux mamans.


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