Lettre du 3 janvier 1917 de Marcel Sibaud

Milly 3.1.17

 

Ma petite chérie,
On a raison de dire qu’il ne faut s’étonner de rien. On m’a dit ce matin à 9 heures que l’après-midi à 2 heures je devais passer le brevet de chef de section. Quel coup de tête dans l’estomac. J’en ai à peine déjeuné et à 1h je prenais le commandement de la section. Il paraît que je n’ai pas été trop mal et me voici muni de mon brevet. Je retourne définitivement à Maisse (1) samedi. Donc plus de transport.
Milly. En arrivant je vais voir pour prendre 7 jours et pour un stage aux mitrailleurs. Mais il paraît que ce cours va être transféré de Vincennes à Milly. Enfin c’est à voir. J’ai remercié la section qui a été vraiment bien gentille en offrant … un litre de vin et un paquet de cigarettes à chaque escouade. J’en ai eu pour 6 francs, mais cela vaut bien ça. Mon cas est à peu près unique et c’est la sous-lieutenance certaine … peu près si je me comporte bien à Valréas.
Demain inspection par le général Dubail gouverneur militaire de Paris. Le capitaine a chargé un caporal de me faire d’ici samedi l’école du soldat et des exercices d’intonation.
J’ai reçu ta lettre qui comme toujours m’a fait bien plaisir.

Amitiés à ta mère. Baisers à Yves et à toi.
Ton Marcel

1 – Maisse est une commune française située à cinquante-et-un kilomètres au sud-est de Paris dans le département de l’Essonne et la région Île-de-France.

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Lettre du 2 janvier 1917 d’Emilie Sibaud

Maisse, le 2 janvier 1917
10 heures – Matin

 

Mon cher Marcel,
Excuse mon petit morceau de papier ! Je t’écris vite ce matin pour que tu reçoives ma lettre le plus tôt possible.
Nous avons passé une bonne nuit, bébé n’a pour ainsi dire pas toussé ce matin, il t’a réclamé en ouvrant l’œil !
Et toi mon chéri comment as-tu fait ta route ? N’as-tu pas été trop mouillé ? Si tu as besoin d’argent, je peux t’en envoyer par [ ?] et te préviendrais tout de suite, je crois que tu n’as pas pris assez !
Je n’ai toujours rien reçu de Devouger, mais cela ne m’inquiète plus maintenant que je sais que cela ne nous reporte plus au mois prochain.
Comment as-tu passé la nuit ?
Décidément je ne me ferais jamais à la séparation. Comme je voudrais retrouver notre existence d’autrefois !
Le major n’était pas resté cette nuit et on est venu frapper à ses fenêtres sans doute quelqu’un qui était malade. Ce matin on l’a réclamé de nouveau, mais toujours personne !
As-tu été voir pour ton logement ?
Je serais bien heureuse de te lire, mais la correspondance est tellement mal faite, que je n’ai pu avoir de tes nouvelles. Enfin pourvu que ta santé soit bonne.
Je te quitte pour ce matin en t’embrassant bien tendrement.

Tout à toi.
Emilie

Bébé Yves embrasse bien fort son papa chéri.


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Lettre du 2 janvier 1917 de Marcel Sibaud

Milly 2.1.17

 

Ma petite chérie

Es-tu bien rentrée à la maison sans malaise ni mauvaise rencontre ? Pour moi le trajet s’est effectué dans d’excellentes conditions. Il faisait si clair que j’ai pu prendre un raccourci. J’étais naturellement le premier rentré des permissionnaires. En arrivant, j’ai mangé une tartine de miel sur pain blanc et bu un peu de café encore tiède. Le début de la nuit a été un peu troublé par les arrivées successives. Quelques … titubaient mais modérément. Ce matin fini mon pain blanc avec du pâté de foie militaire. Le sergent fort aimable me dit : ah il faut que je vous vois tout à l’heure pour régler. Je me demandais si c’était sincère. Puis théorie : les sous off de zouaves étaient seuls ; le commandant le regrettait d’autant plus qu’il a un faible pour les zouaves et qu’un ordre ministériel prescrit, paraît-il, le renvoi des coloniaux. Est-ce à dire que je pars d’ici, je ne sais encore. Reçu la lettre de Georges ; comme il avait dit à maman la Valbonne (1) est pour l’été, Valréas (2) (Vaucluse) pour l’hiver comme actuellement. Le cousin est venu justement à Paris au moment de ma lettre, Georges ne l’a pas vu mais c’est Charles qui lui a parlé de moi. Je vais les remercier.
Le cours finit au début de février. 8 jours d’interruption j’y serais donc vers le 15. Le capitaine Codechevre tâchera de m’avoir avec lui : Georges m’a envoyé une carte d’introduction pour lui. Il ne voit pas du tout d’examens ni d’interrogation d’arithmétique ou de géographie et pense que j’aurais bien assez pour venir. Reçu aussi un mot de Devoyod. Tu dois avoir reçu le traitement. Mais quelle triste nouvelle ! Le père de M. Lanbel vient d’être tué. Je vais lui écrire mais c’est vraiment trop d’épreuves. De l’avancement pas un mot. J’espère qu’il n’est pas encore fait. Je vais remercier Devoyod. J’ai revu Mlle Lacroix c’est de chez elle que je t’écris. Elle m’a offert un poêle à pétrole puis a pensé qu’il valait mieux me donner la chambre sur la rue chauffée qu’elle a par la cousine : c’est très bien et d’une propreté au-dessus de toute expression. Je suis honteux de mettre mes gros pieds par terre. Pour le prix : 0 fr.50 par jour. J’ai acheté un petit carnet et du papier : c’est hors de prix : mais le sergent … vient de me rendre mes 10 francs. Calame a toujours mes 2 frs. Le prêt pour moi est toujours bien. Je vais pouvoir bien [?] aller [?]. J’ai l’intention de demander jusqu’à 10h.

Voici à peu près toutes les nouvelles. Amitié à ta mère. Baisers à Yves et à toi.
Ton Marcel.

(1) et (2) : L 24 août 1917, les écoles de Fontainebleau (instituée pour 120 élèves le 11 juin 1917), Bourges (mortier de tranchée) et Arnouville-les-Gonesses (défense aérienne) sont en mesure de recevoir les officiers d’artillerie. L’École de Saumur est aménagée pour recevoir les cadres d’artillerie de campagne. Elle est opérationnelle dans le courant du mois de septembre 1917. Mailly accueille ceux de l’artillerie de côte. Valréas, La Valbonne et Le Ruchard sont des écoles temporaires d’infanterie. Concernant le génie, une école d’élèves officiers s’organise à Angers, une autre à Versailles pour le perfectionnement (300 élèves). Les cours y sont de deux mois. Enfin, Issoudun, Tours, Avord et Amanty pour l’aviation et l’observation aérienne. La France se « parsème » d’écoles, mais les instructeurs français y sont envoyés au compte-gouttes.

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Une correspondance de guerre

Marcel et Emilie - 1926Pourquoi ce site ?

Sortir de l’oubli ces lettres, c’est redonner vie à des êtres qui furent de chair et de sang et qui ne sont plus aujourd’hui que légère poussière. Sans eux pourtant nous n’existerions pas physiquement, sans leurs expériences et leurs enseignements nous serions différents de ce que nous sommes, sans leur abnégation et leurs sacrifices nous ne connaîtrions pas le monde tel que nous le vivons. Sans parler de devoir de mémoire, nous devons tout simplement nous souvenir et faire en sorte que ces « lettres » et tout leur poids d’espérance, de joie mais aussi de souffrance et de peine, ne restent pas lettre morte.


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