Lettre du 2 janvier 1917 de Marcel Sibaud

Milly 2.1.17

 

Ma petite chérie

Es-tu bien rentrée à la maison sans malaise ni mauvaise rencontre ? Pour moi le trajet s’est effectué dans d’excellentes conditions. Il faisait si clair que j’ai pu prendre un raccourci. J’étais naturellement le premier rentré des permissionnaires. En arrivant, j’ai mangé une tartine de miel sur pain blanc et bu un peu de café encore tiède. Le début de la nuit a été un peu troublé par les arrivées successives. Quelques … titubaient mais modérément. Ce matin fini mon pain blanc avec du pâté de foie militaire. Le sergent fort aimable me dit : ah il faut que je vous vois tout à l’heure pour régler. Je me demandais si c’était sincère. Puis théorie : les sous off de zouaves étaient seuls ; le commandant le regrettait d’autant plus qu’il a un faible pour les zouaves et qu’un ordre ministériel prescrit, paraît-il, le renvoi des coloniaux. Est-ce à dire que je pars d’ici, je ne sais encore. Reçu la lettre de Georges ; comme il avait dit à maman la Valbonne (1) est pour l’été, Valréas (2) (Vaucluse) pour l’hiver comme actuellement. Le cousin est venu justement à Paris au moment de ma lettre, Georges ne l’a pas vu mais c’est Charles qui lui a parlé de moi. Je vais les remercier.
Le cours finit au début de février. 8 jours d’interruption j’y serais donc vers le 15. Le capitaine Codechevre tâchera de m’avoir avec lui : Georges m’a envoyé une carte d’introduction pour lui. Il ne voit pas du tout d’examens ni d’interrogation d’arithmétique ou de géographie et pense que j’aurais bien assez pour venir. Reçu aussi un mot de Devoyod. Tu dois avoir reçu le traitement. Mais quelle triste nouvelle ! Le père de M. Lanbel vient d’être tué. Je vais lui écrire mais c’est vraiment trop d’épreuves. De l’avancement pas un mot. J’espère qu’il n’est pas encore fait. Je vais remercier Devoyod. J’ai revu Mlle Lacroix c’est de chez elle que je t’écris. Elle m’a offert un poêle à pétrole puis a pensé qu’il valait mieux me donner la chambre sur la rue chauffée qu’elle a par la cousine : c’est très bien et d’une propreté au-dessus de toute expression. Je suis honteux de mettre mes gros pieds par terre. Pour le prix : 0 fr.50 par jour. J’ai acheté un petit carnet et du papier : c’est hors de prix : mais le sergent … vient de me rendre mes 10 francs. Calame a toujours mes 2 frs. Le prêt pour moi est toujours bien. Je vais pouvoir bien [?] aller [?]. J’ai l’intention de demander jusqu’à 10h.

Voici à peu près toutes les nouvelles. Amitié à ta mère. Baisers à Yves et à toi.
Ton Marcel.

(1) et (2) : L 24 août 1917, les écoles de Fontainebleau (instituée pour 120 élèves le 11 juin 1917), Bourges (mortier de tranchée) et Arnouville-les-Gonesses (défense aérienne) sont en mesure de recevoir les officiers d’artillerie. L’École de Saumur est aménagée pour recevoir les cadres d’artillerie de campagne. Elle est opérationnelle dans le courant du mois de septembre 1917. Mailly accueille ceux de l’artillerie de côte. Valréas, La Valbonne et Le Ruchard sont des écoles temporaires d’infanterie. Concernant le génie, une école d’élèves officiers s’organise à Angers, une autre à Versailles pour le perfectionnement (300 élèves). Les cours y sont de deux mois. Enfin, Issoudun, Tours, Avord et Amanty pour l’aviation et l’observation aérienne. La France se « parsème » d’écoles, mais les instructeurs français y sont envoyés au compte-gouttes.

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