Des tombereaux de courrier

France

Adresse postale du sous-lieutenant M. SibaudOctobre 1914 : 600 000 lettres (de l’arrière vers le front et vice-versa) sont envoyées. S’y ajoutent 40 000 paquets à destination des poilus. En 1915, les envois quotidiens sont estimés à 4 500 000 lettres et 320 000 paquets.

Grande-Bretagne

Octobre 1914, le service postal militaire traite 650 000 lettres et 58 000 colis par semaine. En 1916, près de 11 millions de lettres et 875 000 paquets sont chaque semaine expédiés au front.

Allemagne

Pour toute la durée de la guerre, 28,7 milliards d’envois (lettres, cartes, colis) entre le front et l’arrière, soit une moyenne journalière de 9,9 millions d’envois depuis l’arrière et 6,8 millions d’envois en provenance de tranchées.

 

Source : J. Winter, The Great War and the British people, Macmillan, 1985.Correspondance des armées de la République


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Témoignages #1

Eric enfant et EmiliePour inaugurer cette catégorie, quelques souvenirs d’un petit-fils.

Enfants, petits-enfants et arrière-petits-enfants désormais, ont été et sont tous à un titre ou à un autre, dépositaires d’une parcelle de cette mémoire qui recoupe « roman national » et « roman familial ».
Pour ma part, dernier né des petits-enfants, j’ai reçu de Marcel la plus grande partie de la correspondance du couple qu’il formait avec Emilie et d’une non moins grande collection de photos anciennes de la « Belle époque » aux années 1930.
Ce fonds, reçu à un âge où j’exprimais déjà une forte passion pour la mémoire et le souvenir intimement mêlés à l’histoire, les aléas de la vie ne m’ont pas permis de l’exploiter véritablement mais seulement de l’effleurer. C’est donc ma fille, auteur de ce site, qui se lance dans ce long et méticuleux travail d’exploitation. Le flambeau change de main.

Ma mère, Monique, naturellement a été la plus grande source dans cette transmission de ces souvenirs jusques y compris pour des éléments parfois surprenants. Toutefois, comme sans doute les sept autres petits-enfants, je suis un témoin direct de la mémoire de nos grands-parents, ensuite cette mémoire sera plus fragile.
Une partie de ces souvenirs je l’ai déjà communiquée dans le cadre de ce site. Ils sont à l’intersection de l’histoire et de la famille, une autre partie de ces souvenirs est plus intime, pas toujours liée à l’objet de ce site, ils relèvent plutôt de l’anecdote. Toutefois, c’est bien volontiers que je les partage.

Emilie - 1927Pour moi, Marcel et Emilie, ce sont en quelque sorte Philémon et Baucis. Ils sont indissociables et m’ont permis de me « construire » tous deux à part égale.
Grand-père était celui qui faisait vivre la famille matériellement mais aussi moralement. Grand-mère était la fée du logis, sa légère agoraphobie contribuait d’ailleurs à renforcer ce rôle de femme au foyer. C’est autour d’elle, de mon point de vue, que « tournait » la famille, elle était l’épicentre sentimental, la confidente, la consolatrice.
Je pense à eux comme dans cette chanson enfantine que murmurait ma grand-mère à l’heure du coucher d’une voix allant diminuendo « papa est en bas qui coupe du bois, maman est en haut qui fait du gâteau ».
Aucun des petits-enfants n’a connu le domicile de Vincennes, pour eux ce fut l’appartement du 144, boulevard Saint-Germain des Prés et si j’oublie presque toujours les numéros de téléphone, j’ai encore en mémoire celui de cet appartement ! (Danton 40-14).  Un appartement vaste au dernier étage avec un long couloir sombre qui reliait les pièces à vivre à la cuisine et à des chambres d’amis. C’est jusqu’à leur déménagement pour Maisons-Laffitte au début des années 60, la demeure qui incarne pour moi mes grands-parents, parée de la grandeur, du prestige et du mystère qu’un enfant peut leur  prêter.
Lorsque je repense à cet appartement, aux fêtes notamment à Noël, aux bals costumés,  qui s’y déroulaient et aux scènes plus intimes, j’évoque immédiatement les épisodes oniriques du Grand Meaulnes au château d’Yvonne de Galais, je ne peux pas mieux dire et c’est dire !

J’en aurais tant à raconter et je ne dois pas être le seul des petits-enfants dans ce cas !

Trois anecdotes ou petites scènes :
1 le trottinement de ma grand-mère et le léger frottement de ses chaussons sur le parquet à n’importe quelle heure de la nuit. Elle était insomniaque, il faut dire qu’elle a toujours partagé sa chambre avec un Marcel qui ronflait formidablement comme l’orgue de Notre-Dame.
2 mon grand-père, homme de devoir, travailleur infatigable jusqu’à plus de quatre-vingt ans, méticuleux et ordonné comme pas un, était aussi un grand-père adorable à la patience inépuisable. Lorsque je passais la nuit chez eux, j’attendais son retour et il faisait avec moi ce qu’il avait fait avec ses enfants…
3 …Comptines.

L’origine de cette comptine est inconnue. Il n’a jamais été possible de savoir s’il s’agissait d’une création de Marcel ou bien si cette comptine relevait d’une tradition populaire suscitée éventuellement par la grande inondation parisienne de 1910. L’album photo familial montre le grand-père Marcel pendant ces inondations. Il convient de préciser que cette comptine rythmait une sorte de rituel que tous les petits-enfants du grand-père Marcel ont connu.  Lorsque nous étions petits, mon grand-père nous soulevait par les aisselles et nous balançait entre ses jambes à une cadence de plus en rapide en fonction du nombre de fois où il répétait le couplet ci-dessous :

« Bateau, batelier,
mon bateau s’est renversé,
dans la rue saint-honoré,
qui c’est qu’ira le chercher,
c’est bébé ! »

– Autre comptine. Il convient de préciser que notre grand-père généralement chantait cette comptine pour distraire les petits à table quand ces derniers renâclaient à manger leur repas. Mon grand-père alors accompagnait cette comptine en jouant en quelque sorte une petite scène de marionnettes, il nouait à chacun de ses pouces une serviette à manger et chacun de ses pouces devenait ainsi une poupée, un personnage.

« Quand vient le dimanche avec ‘ti’papa,
aller à la danse faire un entrechat,
I’m dit kanada zi zi boum boum,
dansez bamboula, toujou’ co’ça »

…/suite au prochain épisode.

Témoignage : Eric François – Petit-fils de Marcel et Emilie Sibaud.


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Lettre du 4 janvier 1917 d’Emilie Sibaud

Maisse, le 4 janvier 1917

 

Mon cher Marcel,
Je n’ai pas eu autant de chance qu’hier pour te lire. Je commençais à trouver que le service postal se faisait mieux puisque ta lettre de mardi m’était parvenue mercredi matin, mais je vois que ce n’était qu’une simple exception, puisqu’aujourd’hui je n’ai reçu de toi.
Hier au soir, j’ai reçu une aimable lettre de Marie à laquelle Victor avait joint un gentil mot pour toi qui commence par mon cher poilu… il te met un billet de 20 francs avec toute son affection, et ajoute qu’il sera toujours content de rouler la petite voiture, de faire allo ! que la maison nous est ouverte, enfin toujours leurs mêmes lettres affectueuses.
J’ai reçu aussi des lettres de Pierre Mollo, nous disant combien le petit colis de ta mère lui a fait plaisir, une lettre aussi de ma filleule, de Mme [ ?], de la petit Marguerite [ ?], une gentille carte de Valentin à nous deux, de Suzanne, etc.
Hier nous avons été nous promener, toujours sur notre petite route. Yves réclame après toi de plus en plus, il réfléchit beaucoup en ce moment. Hier je lui demandais qui était le plus mignon lui ou le petit frère que lui avait envoyé ta mère, sans hésiter il m’a dit « le petit frère » et il l’embrassait avec un cœur !
Le temps a l’air de se mettre au beau ce matin, il y a un peu de soleil. Peut-être n’avez-vous pas trop vilain temps ?
Je me demande si ma lettre te parviendra, car nous voici jeudi, je ne t’envoie pas l’argent de Victor, car je craindrais que tu ne le reçoives  pas assez vite.
Je me demande avec inquiétude si vous restez à Milly ou si tu reviens à Maisse. Mon Dieu si cette guerre finissais, si on pouvait se réveiller de l’horrible cauchemar. Je te quitte mon chéri pour ce matin en t’embrassant bien tendrement.

Tout à toi.
Amitiés de Maman.
Emilie

[Ligne écrite par Yves] Bons baisers de moi


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Lettre du 4 janvier 1917 de Marcel Sibaud

Milly, le 4 janvier 1917

 

Ma petite chérie,
J’ai reçu en revenant de la manœuvre ta lettre du 3. Décidément le service des lettres s’améliore. Juste au moment où cela va devenir inutile car je dois toujours rentrer à Maisse samedi sauf contre-ordre.
Ce matin le général Parrot est revenu. J’étais avec les sous-officiers à la théorie du fusil mitrailleur, lorsque le groupe des officiers m’a dit d’aller avec l’un d’eux examine un fusil avec lequel je serais plus à l’aise. Là-dessus le lieutenant avec lequel j’étais me dit : vous étiez dans le civil ceci cela etc. démontez-moi et remontez-moi l’arme en donnant des explications sommaires mais suffisantes pour quelqu’un qui ne sait pas. Je me demandais où il voulait en venir. Voulait-il que lui enseigne des choses qu’il ne savait pas ? Mais je ne tardai pas à le voir. Etait-ce pour moi mon examen ? Mon brevet de chef de section étant signé de la veille j’étais tranquille. Mais j’ai fini par comprendre plus tard. Comme je n’avais pas trop mal répondu la veille, on me faisait faire une répétition pour le général. Mais celui-ci n’a fait que passer : il s’est dirigé vers un autre fusil et s’est ainsi adressé à l’un de ceux qui doit aller à Valréas avec moi. Réponses moyennes et à un sergent de zouaves absolument nul. Pauvres zouzous [appellation familière des zouaves] si prisés à Milly. Toujours est-il que le lieutenant a dit au capitaine et au commandant que je m’étais très bien tiré d’affaire. Celui-ci m’a parlé à la sortie. Il m’a dit qu’il me faisait confiance, qu’il avait été indulgent mais qu’il avait vu que j’avais beaucoup travaillé. Il a ajouté qu’il s’en serait voulu de m’empêcher de conquérir des galons de combattant alors que je ne cherchais pas à m’embarquer dans une ambulance ou dans les motos. Enfin il avait trouvé la veille que je m’étais bien débrouillé sur le terrain dans la manœuvre dont il m’avait donné le … Moi donc cela ne vas pas mal. Ce soir j’ai encore commandé la section puis lancé des grenades réelles. Au retour sur l’ordre du capitaine un caporal des chasseurs m’a fait faire de l’instruction individuelle, ce qu’on aurait dû me faire faire à Maisse. J’ai écrit aujourd’hui à M. Lanbel, à Georges et à Devoyod.
Je suis bien content que la lettre de maman t’ait fait plaisir, je suis sur que de son côté elle a été enchantée de te lire ainsi que bébé Yves.
J’écris à M. Gallo en même temps qu’à toi ; comme tu t’en rends compte je n’ai plus besoin de renseignements. Etant chef de section je n’aurai certainement pas d’examen de connaissances générales. M. Gallo, je gage, va être abasourdi de mon succès. Tu es bien gentille de marquer régulièrement les dépenses : tu verras que tu en serais toi-même très satisfaite. Je fais de même de mon côté et suis d’accord. Je suis bien à l’aise malgré l’arrosage de mon brevet puisque mes prêts et mon prêt sont rentrés.
Je suis heureux qu’Yves aille mieux. A bientôt.

Milles baisers.
Ton Marcel


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Lettre du 3 janvier 1917 d’Emilie Sibaud

Enfant soldat - carte postaleMaisse, le 3 janvier 1917

 

Mon cher Marcel
Comment vas-tu ? Je n’aurais peut-être pas encore de lettres de toi aujourd’hui !
Hier j’ai reçu une lettre de ta mère qui m’a fait bien plaisir, il y avait une petite carte postale pour Yves représentant un petit frère ou une petite sœur ? J’ai reçu aussi une lettre de Suzanne nous envoyant leurs souhaits et me disant que mon oncle cherche les renseignements dont tu as besoin, aussitôt qu’il les aura, il te les enverra. De ton côté peut-être as-tu eu quelques renseignements ?
Avez-vous été surmenés ces jours-ci ?
J’ai répondu aussitôt à ta mère pour la remercier ?
Je marque scrupuleusement les dépenses, n’as-tu pas besoin d’argent ? Ici le temps est couvert mais il ne fait pas très froid n’as-tu pas reçu trop de place ?
Excuse encore une fois mon papier, je vais aller en acheter tout à l’heure, mais je voulais t’écrire avec de descendre voulant mettre ta lettre à la poste.
Yves est sorti hier et je peux le sortir aujourd’hui. J’ai été sur la petite route où nous avons été lundi. Aussitôt arrivé à l’endroit où tu lui avais coupé une canne, il en a réclamé une autre, me disant qu’il te voulait pour promener vite et toute la soirée, il nous a dit « je veux mon papa ! ».
Je viens de recevoir ta lettre en même temps que le traitement. Ta lettre est venue très vite, comme c’est ennuyeux que l’on ne vous garde pas à Milly. J’ai été bien heureuse de te lire et d’avoir de bonnes nouvelles.
Nous aurons peut-être le plaisir de t’avoir samedi soir ou dimanche.
Je te quitte mon chéri en t’embrassant bien tendrement.

Yves t’envoie de gros baisers. Amitiés de maman.
Toute à toi.
Emilie


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