Témoignages #1

Eric enfant et EmiliePour inaugurer cette catégorie, quelques souvenirs d’un petit-fils.

Enfants, petits-enfants et arrière-petits-enfants désormais, ont été et sont tous à un titre ou à un autre, dépositaires d’une parcelle de cette mémoire qui recoupe « roman national » et « roman familial ».
Pour ma part, dernier né des petits-enfants, j’ai reçu de Marcel la plus grande partie de la correspondance du couple qu’il formait avec Emilie et d’une non moins grande collection de photos anciennes de la « Belle époque » aux années 1930.
Ce fonds, reçu à un âge où j’exprimais déjà une forte passion pour la mémoire et le souvenir intimement mêlés à l’histoire, les aléas de la vie ne m’ont pas permis de l’exploiter véritablement mais seulement de l’effleurer. C’est donc ma fille, auteur de ce site, qui se lance dans ce long et méticuleux travail d’exploitation. Le flambeau change de main.

Ma mère, Monique, naturellement a été la plus grande source dans cette transmission de ces souvenirs jusques y compris pour des éléments parfois surprenants. Toutefois, comme sans doute les sept autres petits-enfants, je suis un témoin direct de la mémoire de nos grands-parents, ensuite cette mémoire sera plus fragile.
Une partie de ces souvenirs je l’ai déjà communiquée dans le cadre de ce site. Ils sont à l’intersection de l’histoire et de la famille, une autre partie de ces souvenirs est plus intime, pas toujours liée à l’objet de ce site, ils relèvent plutôt de l’anecdote. Toutefois, c’est bien volontiers que je les partage.

Emilie - 1927Pour moi, Marcel et Emilie, ce sont en quelque sorte Philémon et Baucis. Ils sont indissociables et m’ont permis de me « construire » tous deux à part égale.
Grand-père était celui qui faisait vivre la famille matériellement mais aussi moralement. Grand-mère était la fée du logis, sa légère agoraphobie contribuait d’ailleurs à renforcer ce rôle de femme au foyer. C’est autour d’elle, de mon point de vue, que « tournait » la famille, elle était l’épicentre sentimental, la confidente, la consolatrice.
Je pense à eux comme dans cette chanson enfantine que murmurait ma grand-mère à l’heure du coucher d’une voix allant diminuendo « papa est en bas qui coupe du bois, maman est en haut qui fait du gâteau ».
Aucun des petits-enfants n’a connu le domicile de Vincennes, pour eux ce fut l’appartement du 144, boulevard Saint-Germain des Prés et si j’oublie presque toujours les numéros de téléphone, j’ai encore en mémoire celui de cet appartement ! (Danton 40-14).  Un appartement vaste au dernier étage avec un long couloir sombre qui reliait les pièces à vivre à la cuisine et à des chambres d’amis. C’est jusqu’à leur déménagement pour Maisons-Laffitte au début des années 60, la demeure qui incarne pour moi mes grands-parents, parée de la grandeur, du prestige et du mystère qu’un enfant peut leur  prêter.
Lorsque je repense à cet appartement, aux fêtes notamment à Noël, aux bals costumés,  qui s’y déroulaient et aux scènes plus intimes, j’évoque immédiatement les épisodes oniriques du Grand Meaulnes au château d’Yvonne de Galais, je ne peux pas mieux dire et c’est dire !

J’en aurais tant à raconter et je ne dois pas être le seul des petits-enfants dans ce cas !

Trois anecdotes ou petites scènes :
1 le trottinement de ma grand-mère et le léger frottement de ses chaussons sur le parquet à n’importe quelle heure de la nuit. Elle était insomniaque, il faut dire qu’elle a toujours partagé sa chambre avec un Marcel qui ronflait formidablement comme l’orgue de Notre-Dame.
2 mon grand-père, homme de devoir, travailleur infatigable jusqu’à plus de quatre-vingt ans, méticuleux et ordonné comme pas un, était aussi un grand-père adorable à la patience inépuisable. Lorsque je passais la nuit chez eux, j’attendais son retour et il faisait avec moi ce qu’il avait fait avec ses enfants…
3 …Comptines.

L’origine de cette comptine est inconnue. Il n’a jamais été possible de savoir s’il s’agissait d’une création de Marcel ou bien si cette comptine relevait d’une tradition populaire suscitée éventuellement par la grande inondation parisienne de 1910. L’album photo familial montre le grand-père Marcel pendant ces inondations. Il convient de préciser que cette comptine rythmait une sorte de rituel que tous les petits-enfants du grand-père Marcel ont connu.  Lorsque nous étions petits, mon grand-père nous soulevait par les aisselles et nous balançait entre ses jambes à une cadence de plus en rapide en fonction du nombre de fois où il répétait le couplet ci-dessous :

« Bateau, batelier,
mon bateau s’est renversé,
dans la rue saint-honoré,
qui c’est qu’ira le chercher,
c’est bébé ! »

– Autre comptine. Il convient de préciser que notre grand-père généralement chantait cette comptine pour distraire les petits à table quand ces derniers renâclaient à manger leur repas. Mon grand-père alors accompagnait cette comptine en jouant en quelque sorte une petite scène de marionnettes, il nouait à chacun de ses pouces une serviette à manger et chacun de ses pouces devenait ainsi une poupée, un personnage.

« Quand vient le dimanche avec ‘ti’papa,
aller à la danse faire un entrechat,
I’m dit kanada zi zi boum boum,
dansez bamboula, toujou’ co’ça »

…/suite au prochain épisode.

Témoignage : Eric François – Petit-fils de Marcel et Emilie Sibaud.


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