Lettre du 14 février 1917 d’Emilie Sibaud

Vincennes, le 14 février 1917
Mercredi matin

 

Mon cher Marcel,
J’ai reçu en même temps hier au soir autour de 7h ta carte de Pierrelatte et ta longue lettre de Valréas.
J’ai été bien contente de te lire, d’avoir quelques détails sur ton installation, mais le manque de feu est bien ennuyeux. Peut-être les cours commençant, va-t-on chauffer, tout au moins les salles d’études.
Je vois que comme je le pensais, le voyage a été assez pénible, tu ne me parles pas de ton rhume ?
Tu as dû recevoir mes lettres précédentes, et tu sais aussi qu’Yves et moi sommes bien rentrés samedi.
Hier j’ai été voir ta mère avec Yves, profitant qu’il faisait un peu moins froid que les jours précédents. Madame Sibaud va très bien, elle a reçu du charbon et du bois. Elle n’avait pas encore reçu de tes nouvelles mais n’était pas inquiète sachant bien que s’il y avait eu quoique ce soir je l’aurais prévenue.
A propos de charbon, hier nous avons reçu 50 du chantier Marin, et 50 de chez Alayaud. J’espère que nous n’en manquerons pas. Pellegru doit aussi nous en envoyer. La température a d’ailleurs sensiblement radouci, peut-être cela va-t-il continuer et ce serait les meilleurs remèdes. Ce soir nous avons toujours un beau soleil.
Je mets de côté avec les affaires la lettre de Morel et je garde précieusement le petit coupon de chemin de fer. Je vois que tu seras en pays de connaissance. N’as-tu pas besoin d’argent ? Et si tu trouves à t’équiper par là prend ce qu’il te faut. Tes souliers sont-ils toujours aussi froid ? Pense à des chaussures d’appartement.
Peut-être aurai-je le te lire ce soir.
J’ai beau essayer d’être courageuse, ton départ fait un tel vide autour de moi que j’ai bien souvent envie de pleurer. Comme notre chez nous est triste. Je me promène à travers l’appartement comme une âme en peine, notre chambre si claire si riante m’apparaît trop grande froide. Yves t’envoie des baisers tous les soirs et tous les matins en s’éveillant. Sa première pensée est pour toi, il dit : « Bonjour papa ! » mais hélas ce n’est qu’à ton image. Tant de kilomètres nous séparent !
Au revoir mon chéri, à bientôt le plaisir de te lire. Je t’embrasse bien tendrement de tout cœur.
Tout à toi.

Emilie

[Ligne d’Yves] Un mot, pan ! Je t’embrasse quatre fois beaucoup. J’ai été voir grand-mère Sibaud hier. Elle t’embrasse, tata aussi.
Au revoir mon papa chéri.
Ton Yves


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Lettre du 14 février 1917 de Marcel Sibaud

Valréas, le 14.2.1917

Enfin je viens de recevoir à 5 heures ta lettre de lundi matin. Malheureusement je n’aurai pas le temps matériel de mettre cette lettre de façon quelle puisse partir demain à 7 heures. On n’a pas une minute à soi. Heureusement le capitaine a donné une chambre dans le cantonnement où l’on peut travailler après l’heure. J’en ai pris une bien que fort chère. 30 frs par mois sans cheminée. Mais j’ai l’électricité et le froid est déjà à peu près passé. Je puis donc faire ma toilette en toute tranquillité et travailler de même. Aujourd’hui allocution du colonel qui ressemble un peu à ton oncle, mais qui est très ironique. Ce soir 4 heures d’exercice, j’avais plutôt faim en rentrant. J’ai fini le gruyère.
Il faut voir la doctoresse. Comme je regrette qu’il fasse toujours froid là-bas. Ici on patauge jusqu’à la cheville dans le dégel. Les après-midis sont magnifiques. Mais il y a de quoi s’occuper. C’est un vrai couvent d’ailleurs c’est dans quelque chose d’analogue que nous logeons. Aux murs de ma chambre comme partout ailleurs beaucoup d’images de piété et un de ceux avec qui je cause le plus est un missionnaire au Congo.
Décidément Toto a de la mémoire. J’ai dit en effet devant lui imitant les Sénégalais « Pourquoi toi y a farceur ». Ce n’est pas tombé dans l’oreille d’un sourd.
Je te quitte ma petite chérie en t’embrassant de tout cœur et porte toi bien surtout.
Ton Marcel.

Amitiés aux mamans.


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Lettre du 13 février 1917 d’Emilie Sibaud

Vincennes, le 13 février 1917
Mardi matin

 

Mon cher Marcel,
J’espère que tu as reçu une de mes lettres, je les ai écrites dimanche, lundi et aujourd’hui. Peut-être te lirai-je ce soir ? J’ai reçu ce matin une lettre de Marie, elle me dit qu’ils ont tous souffert du froid, je crois qu’elle va t’écrire.
J’ai vu la doctoresse hier après-midi, tout va bien, elle pense que ce sera un gros bébé et penche pour un garçon. Elle m’a dis de sortir. La température aujourd’hui s’est sensiblement radoucie. Je vais en profiter pour aller voir ta mère avec Yves à 1h ½ cette après-midi.
Tandis que je t’écris Yves joue avec Roger qui est venu le voir ce matin. Nous avons eu hier la visite de Madame Banault. Yves a été très mignon, lui a dit qu’il avait été te conduire, que ça lui avait fait du chagrin !
Et toi mon chéri, comment vas-tu ? Comment supportes-tu ton nouveau genre de vie ? Je serai bien heureuse de te lire, d’avoir de tes nouvelles, de savoir un peu comment s’est passée ton arrivée. Marie me dit dans sa lettre qu’elle a des amies à La Palud non loin de Valréas et qu’il y faisait pas mal froid les jours derniers.
Oncle Emile est toujours optimiste et voit toujours la fin de la guerre prochaine. Il est vrai que voici deux ans que cela dure !
Je ne vois toujours pas grand changement, enfin il fait bien espérer !
Nous attendons toujours le charbon. Il en est pourtant arrivé un peu partout. Je crois que la hausse de la température serait la meilleure chose !
Là il fait bon, le soleil nous réchauffe presqu’autant que le feu.
Je te quitte pour ce matin en t’embrassant bien tendrement.
Tout à toi.
Emilie

[Ligne d’Yves] Mon papa chéri,
Je t’écris mon petit mot. Je suis bien sage. Tantôt je vais voir grand-mère Sibaud. Je te donnerai demain dans ma lettre de ses nouvelles.
Ton petit Yves. Gros baisers. Amitiés de Tata.


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Lettre du 13 février 1917 de Marcel Sibaud

Valréas, le 13.2.17

 

Ma petite chérie,

Je n’ai pas encore eu le plaisir de te lire aujourd’hui, j’ai seulement reçu une lettre d’oncle Emilie adressée à Milly et qui me poursuit depuis. Il m’engageait à passer par Clermont pour le voir. Comme je le craignais je n’ai pu mettre ta lettre hier soir, elle ne partira donc qu’à midi. Je crains fort que la correspondance ne puisse être bien régulière. Il y a beaucoup à faire et fort peu de temps surtout maintenant que l’on éteint à 9 heures. J’ai vu le capitaine Codechèvre ce matin. Son accueil a été charmant puisque son premier mot a été « Nous avons joué ensemble jadis ». Là-dessus il m’a dit qu’il me secouerait particulièrement, ceci sur un ton fort amical. Il revenait de Paris où il avait vu Georges.
Encore un bon déjeuner et ensuite manœuvre. Le capitaine m’a donné le commandement au début cela n’a pas été trop mal. Mais à la fin je me suis trompé. Je crois heureusement que ce début n’a pas grande importance. A ce que j’ai vu faire aux autres m’encourage. J’ai déjà été plagié par un avocat de Nancy, affreux bavard qui n’a rien de ce qu’il lui faut. Il m’a emprunté brosse, graisse et carnet de notes. On est mal pour travailler car il y a toujours de ces bavards. Mais une chambre est presque inutilisable vu le manque de temps.
Je te quitte ma petite chérie en t’embrassant de tout cœur mille fois ainsi que bébé.
As-tu vu la doctoresse ? Comment vas-tu ? As-tu fait faire une nouvelle analyse ? As-tu écrit au docteur ? As-tu du charbon ?
Encore mille baisers.

Ton Marcel

Amitiés aux mamans.
Pendant que je t’écris encore un qui me demande mon cahier.


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Lettre du 12 février 1917 d’Emilie Sibaud

Vincennes, le 12 février 1917
Lundi matin

 

Mon cher Marcel,

J’ai reçu hier après-midi à 4h moins le ¼ ta dépêche, j’ai été bien heureuse de savoir que tu avais fait un bon voyage, n’es-tu pas trop fatigué ?
Là nous avons toujours à peu près la même température, en est-il de même à Valréas ?
Je travaille beaucoup pour m’occuper, malgré cela je pense bien à toi. Je peux te dire que pas une minute je ne cesse d’être avec toi par ma pensée.
Comment es-tu installé ? Et la nourriture ? Peut-être aurai-je de tes nouvelles ce soir ou demain.
Hier au soir, nous nous sommes couchés à 8h ½ et ce matin Yves ne s’est éveillé qu’à 8h. Au moins lorsque l’on dort on ne pense plus !
Je n’ai toujours pas vu la doctoresse mais je lui ai fait rappeler et elle va certainement venir. Je n’ai guère envie de sortir d’abord l’ennui ensuite le temps, et par-dessus je suis assez gênée pour marcher ; bien que là ce ne soit pas la chaleur qui me gêne, mais mes jambes me supportent mal [on rappelle ici qu’Emilie est enceinte de plus de 8 mois à ce moment-là].
Hier j’ai écrit à Clermont pour remercier du colis. Comme je n’ai pu aller voir ta mère hier, je lui fais écrire une petite carte par Yves. Elle-même n’a pas été se risquer à sortir.
Yves est très sage et bien affectueux. Il va t’écrire, c’est pour lui une vrai joie que d’écrire à son papa soldat ! Depuis hier il ne fait que de me dire «  pourquoi li toi farceur » (1), je ne sais pas ce que ça veut dire, il me dit que c’est toi qui lui as appris cela !
Déjà deux jours que tu nous as quitté ! Comme c’est long.
Je vais te dire au revoir pour ce matin en t’embrassant bien tendrement.
Tout à toi.
Emilie

Mon cher papa,
Pan ! Bonjour mon papa, je t’écris un mot pour te dire que je pense bien à toi, je te fais une chatouille dans l’oreille, pan ! Je t’embrasse comme je t’aime. Ton petit Yves.

[Ajout d’Emilie] (Rien de changer au texte) Yves vient de nous dire que cela lui avait fait du bien au cœur de t’écrire !

1- Vous aurez la réponse dans la lettre du 14 février 1917 de Marcel !

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