Lettre du 29 avril 1917 de Marcel Sibaud

Valréas, le 29 avril 1917

 

Ma petite chérie,
Quelle belle journée, il a fait !
Pas de vent, pas un nuage, une douce chaleur ! Mais ce soir le temps à l’air de se brouiller un peu. Je me suis levé de bonne heure. J’ai comme les autres dimanches fait mon ménage en grand. Le bain de pied m’a été surtout agréable et m’a fait beaucoup de bien ! J’ai mis mes chaussettes de coton qui me vont bien, j’espère qu’ainsi mes pieds vont se remettre. La laine devait me tenir trop chaud ; j’avais la peau comme usée par endroits et j’ai dû m’entortiller plusieurs doigts dans la sorte.
Avant et après déjeuner, j’ai été noter quelques détails sur le terrain pour mon levé de plan. Il est fini et n’est pas trop mal réussi. Ce matin j’ai relu ta lettre au grand soleil dans un champ. Ce soir j’ai rencontré le colonel pendant que je prenais mes mesures ; il parlait de Lorient avec sa famille. Donc journée de repos.
Ce que tu me dis de Salonique est intéressant ; mais j’aimerais mieux ne pas y aller en tant que père de famille. Enfin si j’y vais quand même, je trouverai quelqu’un à qui m’adresser. Je suis heureux qu’Yves ait été mignon. Il a fait honneur à sa famille. C’est bien.
Ceux qui instruisent la classe 1918 y ont été affectés par le dépôt qu’ils ont rejoint ; donc ici encore affectation à un régiment d’abord.
Je regrette d’apprendre que Mme Toussaint et Mme Tissier sont encore approuvées.
J’ai trouvé la lettre d’Yves très gentille maos si intelligent que je le crois, je pense que tu as dû lui souffler pas mal.
Je te quitte pour lui répondre et t’embrasse mille et mille fois.
Ton Marcel

Mon cher petit Yves,
J’ai été très content de te lire ; les lettres sont intéressantes comme celles d’un grand garçon. J’ai relu la tienne en plein champ ; au loin un petit farceur d’oiseau faisait « coucou, coucou ». Maman connaît bien le « coucou », elle l’a entendu dans le bois de Ferrières et elle pourra te dire comme c’est gentil dans le calme de la campagne ensoleillée.
Tu as raison de vouloir être énergique non pas pour faire comme papa – car il ne sait, il l’est ou on ne l’est pas – mais parce que c’est le meilleur moyen d’arriver à quelque chose. Je dois dire d’ailleurs qu’en petit tu m’as paru l’être déjà. Quand tu montais sur le marchepied, au début, tu atteignais à peine le 1er échelon ; puis tu prenais ton courage et tu montais sur le second. On sentait déjà que tu hésitais un peu mais tu faisais preuve d’énergie en montant toujours plus haut. Et tu vois, tu n’es pas tombé ! C’est grâce à ton énergie.
C’est très gentil de vouloir venir à Valréas ; mais il vaut mieux que ce soit moi qui aille bientôt vers toi ; vers vous tous. Tu pourras monter sur le sac à papa qui j’espère ne le portera pas longtemps. Le sac est lourd mais il y a toujours une place pour le petit Yves. En t’embrassant sur la tête, papa te porterait au bout du monde.
Au revoir mon cher petit Yves. Reçois les meilleurs baisers de ton papa sergent.

Marcel


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