Lettre du 21 avril 1917 de Marcel Sibaud

Valréas, le 21 avril 1917

 

Ma petite chérie,
Je viens de recevoir ton énorme colis avec toutes les bonnes choses qu’il contient. Ce sont des gâteries et je t’en remercie beaucoup. J’ai déjà entamé un des quatre quarts, il est délicieux.
La semaine s’achève enfin mais dans quelle bousculade. Jamais peut-être je n’aurais autant eu besoin de passer mon dimanche à travailler et justement je ne pourrai le faire. Je me demande à quelle heure je me coucherai ce soir. Il y a 2 devoirs qu’il faut absolument que je termine. Il faut que je me charge du linge. J’ai eu à me brosser, à faire mes chaussures et j’ai été chercher une belle boîte de berlingots pour ces dames. Ce sera ce qu’il y aura de plus facile à transporter. Pour prendre le train de 7h15, ayant à me raser, il faudra pourtant que je me lève vers 5h1/2. Pourvu que je me réveille à temps ! Il est vrai que je suis toujours le 1er réveillé et levé mais il ne faut qu’une fois. Par exemple j’ai de fréquents cauchemars. Vivement la permission comme on dit. Enfin il n’y en a plus tout à fait pour 3 semaines. D’après certains bruits et aussi d’après certaines paroles de capitaine, il semble qu’il n’y aurait pas de recalés dans la section. Certains n’ont pas hésité à faire faire déjà leurs uniformes. Quand ce sont des aspirants qui agissent ainsi, rien d’étonnant, mais des hommes qui devraient être sérieux, un notaire. Il est vrai que les gens vraiment sérieux ici n’abondent pas, s’ils n’en sont d’ailleurs pas plus mal vus, tant s’en faut. Dans le militaire, on ne juge pas du tout les hommes comme dans le civil.
Je pense que tu n’as pas manqué de remercier vivement les Gallo de leur aimable attention pour Yves.
Mais qu’est-ce à dire ? Abel envoie déjà des cadeaux à Marcelle ? Oh ! Oh ! Eh ! Eh ! Il faudra faire attention ! Déjà ! J’espère qu’il ne sera rien arrivé de fâcheux à M. Hogard. L’artillerie malheureusement a subi des pertes sensibles. J’espère encore comme lui que la guerre ou plutôt les opérations finiront cette année ; mais je me demande si notre offensive de Champagne a donné tout ce qu’on en attendait.
Inutile de me faire un autre colis, j’ai bien assez je crois pour finir les cours, peut-être même me restera-t-il quelque chose pour mon voyage.
Tous les petits potins comme tu dis ne m’ennuient nullement au contraire. Je me réjouis quand je vois une longue lettre.
J’ai reçu ce matin un petit mot de maman. Elle a encore une nouvelle élève.
Pour la vaseline mentholée, ne t’inquiète pas, si je n’ai pas pris de rhume ces jours derniers, c’est que je n’en prendrai pas d’ici 3 semaines car le temps ne peut être plus mauvais et les suées plus grandes.
Ce que tu me dis d’Yves est vraiment curieux. Je ne voudrais pas tomber dans un travers que j’ai raillé chez bien des parents, à savoir tomber en admiration devant ce qu’ils deviennent et ce qu’ils font. Mais sincèrement le petit me paraît intelligent… Puissè-je avoir la joie de le guider et de le voir réussir dans des branches où son père a échoué.
Je te quitte ma petite chérie, demain matin je n’aurai pas le plaisir de recevoir ta lettre avant mon départ. Je t’écrirai de Pierrelatte. Reçois les meilleurs baisers de ton Marcel.

Bons baisers aux petits.
Amitiés aux mamans.


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