Lettre du 21 avril 1917 au matin d’Emilie Sibaud

Vincennes, le 21 avril 1917

 

Mon chéri,
Nous avons été hier à Auteuil comme j’en avais l’intention, nous avons été favorisés par le temps, belle journée. Cela, par exemple, m’a privée du plaisir de te lire à 3h comme d’habitude, je n’ai pu avoir ta lettre que le soir en rentrant.
Nous avons été très bien reçus. Suzanne a confectionné une très jolie petite jaquette à sœurette. Nous avons beaucoup parlé de toi bien entendu et tout le monde te félicite pour ton grade et t’envoie de bonnes amitiés. Nous avons parlé aussi d’un monsieur que tu connais bien, qui a 2 enfants un petit garçon de 2 ans ½ et une toute petite de 6 semaines. Il paraît qu’en sortant d’où il est, il faut d’abord qu’il soit affecté à un régiment quelconque et ensuite on envisage plusieurs possibilités, être réclamé par un colonel à l’état major, mais n’importe comment il doit subir une petite opération qui a son importance justement en la circonstance ; du reste je te raconterai cela de vive voix, j’espère qu’il n’y aura pas encore de temps de perdu.
Tu te rappelles sans doute du commandant Roux aujourd’hui colonel, le cousin de ma tante qui habite notre quartier, qui a 5 enfants, l’aîné est à Saint-Denis. Comme tout ce petit monde pousse ! Il est à l’état major à Paris.
Mais que je réponde à ta gentille lettre. Ce sera bien ennuyeux si vous n’avez pas de congés mais alors comment ferez-vous pour vous équiper ? Il faut espérer que c’est un faux bruit.
Mon oncle espérait beaucoup dans la révolution allemande. Mon Dieu quand donc cela finira-t-il ?
Sœurette et Yves ont été très gentils hier ; Suzanne a été très affectueuse pour sa petite filleule, la pauvre Suzanne ne va pas très bien, elle ne peut parvenir à dormir, c’est un état nerveux qui n’est pas bon. Je crois qu’elle est beaucoup fatiguée pour son père et comme elle n’est pas très forte, elle n’a pu supporter ce surcroit de besogne ! Mon oncle n’a pas l’air très content d’Amédée comme j’ai compris il ne fait rien. Son père aurait voulu qu’il passe dans l’artillerie et y reste après la guerre, il ne lui voit pas beaucoup de déboucher dans la chimie. Quand à René, il entrevoyait la possibilité de le faire s’engager ! Mais ma tante (et je l’approuve) s’y refuse.
Je ne sais si tu nous as entendus parler Louis Grélot, un camarade d’Amédée qui habitait au-dessus d’eux rue La Fontaine ? Il est de la promotion de ton capitaine mais il doit être plus jeune. 26 ans je crois. Il est capitaine aussi, croix de guerre je crois et légion d’honneur.
Mon oncle m’a beaucoup demandée de tes nouvelles : question santé. Il me disait que la question de ce qui te gêne tant est très importante et que certainement tu n’as jamais dû en pâtir, que cela te gênerait beaucoup dans l’infanterie mais je te quitte pour ce matin, en attendant le plaisir de te lire, le plus détaillé possible. Au revoir mon chérie, je t’embrasse mille et mille fois.
Tout à toi.
Emilie

[Lettre d’Yves]
21 avril 1917

Mon cher papa,
J’ai été voir tonton hier et puis Suzanne et on avait emmené sœurette. On a été bien sage tous les deux mais j’aurais été bien plus content si j’avais eu mon papasonnedat avec moi. Je suis revenu à pied de la barrière, je marche comme un jeune homme. Il y avait du beau soleil. Tout le monde a trouvé ma sœurette bien mignonne et bien sage. Elle a pas pleuré du tout. Elle regardait les ampoules électriques dans le métro. Elle trouve ça très joli.
Au revoir mon papa chéri, je t’embrasse beaucoup beaucoup de fois et petite Marcelle aussi.
Ton Toto Yves


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