Valréas, le 20 avril 1917
Ma petite chérie,
La manœuvre de nuit d’hier soir ne s’est pas trop mal passée. Mon pied m’a bien un peu gêné car dans le noir je ne pouvais prendre de précautions pour le poser mais cela n’a pas dû lui être mauvais car aujourd’hui il va bien mieux. Nous sommes rentrés moins tard que je ne le craignais. A 1 heure, ayant mangé un morceau de pain et de [?], bu un verre de vin blanc, j’étais couché. La soirée était belle et calme ; les étoiles brillaient et posté sur le bord d’un étang j’entendais le hululement nocturne des grenouilles et le coassement des crapauds. Ce calme me rappelait les soirées passées sur la plage en des temps combien lointains. Si le sort veut bien le permettre, j’aimerais à venir revoir en famille ce pays dont j’ai tant assez pour le moment. Je te montrerais quelques uns des coins que nous avons le plus fréquentés. Mais je m’égare imprudemment à parler d’avenir lointain ; il est plus sage de se limiter à de moindres espaces de temps.
Je te remercie d’avoir aidé maman à se procurer du bois. Je conçois l’ennui qu’à certain point de vue te cause la visite de Armelle ; c’est encore un surcoût de fatigue. Tant qu’à faire il aurait certes mieux valu qu’elle amenât Abel.
Je te félicite d’avoir pensé à la graisse pour mes souliers.
Selon ce que tu me diras de ta visite d’Auteuil, j’écrirai d’une façon plus ou moins détaillée.
Je me demande si dès la semaine prochaine, le ministère ne recevra pas les propositions.
J’ai un violent désir d’aller me coucher mais j’ai encore beaucoup de travail. Or demain soir je devrai me préparer pour le lendemain prendre le train à 7h 15. Ce matin nous étions debout avant 6 heures.
Je te quitte ma petite chérie en t’embrassant mille et mille fois.
Dans 3 semaines, je serai à la veille de reprendre le train !
Bon baisers aux petits.
Amitiés aux mamans.
Ton Marcel