Vincennes, le 15 avril 1917
Dimanche
Mon chéri,
Enfin j’ai eu le plaisir de recevoir de tes bonnes nouvelles hier au soir, je suis bien contente que ton voyage se soit passé sans trop te fatiguer.
Nous voici déjà le 15 ! On ne sait plus que désirer ! Il faut que je me dépêche d’aller voir les Gallo avant le 21.
Hier nous avons eu beau temps, j’ai sorti les deux enfants toute l’après-midi, mais sœurette commence à être lourde.
Ce matin il fait moins beau, Yves va venir avec moi porter cette lettre. Maman t’a fabriqué deux gâteaux quatre-quarts, comme tu les aimes. Nous allons les mettre dans ton colis avec des confitures, des œufs durs et je ne sais encore trop quoi… et surtout ton papier blanc et ta brosse que tu as oubliée.
La santé commence à se remettre ici. Espérons que le beau temps va contribuer à nous remettre d’aplomb tous. Pour moi d’ailleurs je vais bien, ce que j’en dis c’est plutôt pour Maman qui est très fatiguée, les enfants deviennent de plus en plus mignons ! Yves est très remarqué sur le cours Marigny, tout le monde lui donne 3 ans et même 3 ans ½. Il partage très bien les jeux d’enfants de 5 et 7 ans. Il est la poupée des fillettes de cet âge, il se laisse assez bien complimenter, mais il ne veut pas faire le bébé ; il veut être le papa des poupées, c’est très amusant de le voir ! Maintenant il reconnait les personnes, aussi hier il est allé donner la main à une fillette de chez ta mère. Cette jeune fille de 6 ans et ce jeune homme de 2 ans ½ se sont dit bonjour avec un sérieux et une correction qu’on aurait pu croire une grande personne !
Hier Mme Bertin l’a monté dans ses bras et il fait de grandes conversations avec la plus jeune des demoiselles.
J’ai été bien heureux de lire les détails que tu m’as donné dans ta lettre, ils m’ont beaucoup intéressée et je vais les communiquer à mon oncle.
Quelle différence entre ce dimanche-ci et le dernier ! J’essaye de puiser dans le souvenir heureux du précédent, du courage pour passer celui-ci.
Au revoir mon aimé, à bientôt de tes bonnes nouvelles. Je t’embrasse mille et mille fois.
Tout à toi
Emilie
[Lettre d’Yves]
Mon cher papa chéri,
Je t’ai fait avec tata des gâteaux qui sont bons bons bons ! Tu verras ! Hier j’ai reçu une carte de tante Anna, elle me disait « gros baisers à petit Yves de sa tata Gallo ». Suzanne avait envoyé une carte à sœurette, chacune la notre. Je te laisse ta place dans le grand lit, je voudrais bien que tu viennes. Nous deux, moi et sœurette, on se mettra dans tes bras.
Les Français et les Anglais prennent beaucoup de boches, peut-être que bientôt y en aura plus. Je voudrais bien pour que tu reviennes vite auprès de tes petits enfants et de leur maman.
Ton Yves