Lettre du 28 mars 1917 au matin d’Emilie Sibaud

Vincennes, le 28 mars 1917
Mercredi matin

 

Mon chéri,
Ce matin le soleil brille, cela va-t-il durer ? Pourrais-je bientôt sortir la petite Marcelle.
J’ai reçu ta longue lettre hier au courrier de 3h ½, que ce vent est ennuyeux et pénible, en effet quel sale pays !
Hier au soir Madame Sibaud est venue. Elle a trouvé sœurette encore grossie. Ta mère nous a dit qu’elle avait reçu une lettre de toi, mais je crois qu’elle s’illusionne sur ton congé de Pâques en croyant que tu vas avoir 10 jours. Je ne crois pas que ce soit cela que tu as voulu dire.
Nous avons encore avancé, mais la révolution russe m’inquiète. Je te demandais si nous avions encore besoin de cela, ce serait tout de même un peu violent qu’ils nous lâchent alors qu’en somme c’est un peu pour eux que nous avons marchés ; enfin espérons en l’avenir !
Je vois que vous n’avez pas dû mettre à exécution votre projet de promenade dimanche, c’est dommage cela vous aurait un peu distrait de vos dures occupations.
Je vois qu’Oncle Emile continue à correspondre souvent avec toi. Tant mieux. J’ai écrit à marie pour la remercier ainsi qu’à Tante Marie.
Sœurette pousse bien et devient de plus en plus un beau bébé, toujours blanche et rose.
La température a l’air de vouloir être plus clémente ces jours-ci, espérons que cela va durer.
Ce que tu m’écris pour ton voisin de lit m’a peinée sans que je le connaisse, car on se rend compte par soi-même ce que l’on souffrirait à la place, être si loin !
Pour le capitaine décidemment il est incompréhensible ! Mais ce qu’il a dit pour les notes, prouve que tu ne t’en tires pas mal du tout, car je suppose que tu dois être de ceux dont il parle.
Pour cette pauvre Madame Codechèvre, je ne sais trop que lui écrire. Je suis aussi d’avis que son fils perdra beaucoup. D’abord je crois qu’il aimait bien sa mère, qui au fond a été très bonne pour eux, et puis c’est un peu à sa présence qu’il doit de maintenir le peu de santé qu’il a !
Pour les Oudard, c’est charmant toujours pas un mot ! Du reste maintenant je ne compte plus les revoir, seulement c’est égal je me demande ce que j’ai pu leur faire ? Enfin, c’est une si petite chose à comparer aux événements actuels.
Si tu viens à Pâques, quelle joie pour moi, si seulement c’était le vrai retour !
Je te quitte pour ce matin mon chéri en t’embrassant mille et mille fois, en attendant de pouvoir le faire réellement.
Tout à toi.
Emilie

 

[Ligne d’Yves]
Mon cher papa,
Je monte tout seul dans ma grande chaise ! Je suis grand maintenant, tu vas voir quand tu viendras à Pâques. Sœurette fait dodo dans la chambre à Toto parce que là il y a du soleil.
Au revoir mon papa chéri, je t’embrasse bien fort pour sœurette et moi.
Ton petit poulet.
Yves


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