Vincennes, le 12 février 1917
Lundi matin
Mon cher Marcel,
J’ai reçu hier après-midi à 4h moins le ¼ ta dépêche, j’ai été bien heureuse de savoir que tu avais fait un bon voyage, n’es-tu pas trop fatigué ?
Là nous avons toujours à peu près la même température, en est-il de même à Valréas ?
Je travaille beaucoup pour m’occuper, malgré cela je pense bien à toi. Je peux te dire que pas une minute je ne cesse d’être avec toi par ma pensée.
Comment es-tu installé ? Et la nourriture ? Peut-être aurai-je de tes nouvelles ce soir ou demain.
Hier au soir, nous nous sommes couchés à 8h ½ et ce matin Yves ne s’est éveillé qu’à 8h. Au moins lorsque l’on dort on ne pense plus !
Je n’ai toujours pas vu la doctoresse mais je lui ai fait rappeler et elle va certainement venir. Je n’ai guère envie de sortir d’abord l’ennui ensuite le temps, et par-dessus je suis assez gênée pour marcher ; bien que là ce ne soit pas la chaleur qui me gêne, mais mes jambes me supportent mal [on rappelle ici qu’Emilie est enceinte de plus de 8 mois à ce moment-là].
Hier j’ai écrit à Clermont pour remercier du colis. Comme je n’ai pu aller voir ta mère hier, je lui fais écrire une petite carte par Yves. Elle-même n’a pas été se risquer à sortir.
Yves est très sage et bien affectueux. Il va t’écrire, c’est pour lui une vrai joie que d’écrire à son papa soldat ! Depuis hier il ne fait que de me dire « pourquoi li toi farceur » (1), je ne sais pas ce que ça veut dire, il me dit que c’est toi qui lui as appris cela !
Déjà deux jours que tu nous as quitté ! Comme c’est long.
Je vais te dire au revoir pour ce matin en t’embrassant bien tendrement.
Tout à toi.
Emilie
Mon cher papa,
Pan ! Bonjour mon papa, je t’écris un mot pour te dire que je pense bien à toi, je te fais une chatouille dans l’oreille, pan ! Je t’embrasse comme je t’aime. Ton petit Yves.
[Ajout d’Emilie] (Rien de changer au texte) Yves vient de nous dire que cela lui avait fait du bien au cœur de t’écrire !