Lettre du 11 février 1917 d’Emilie Sibaud

Vincennes, le 11 février 1917
Dimanche matin

 

Mon cher Marcel,
C’est le premier dimanche que je passe sans toi depuis 6 ans !
Le soleil brille et pourtant tout autour de moi me semble bien sombre. Que c’était triste hier ce train qui s’enfuyait t’emportant loin de nous ! Yves t’envoyait des baisers avec ses petites mains aussi longtemps que ses yeux ont pu te voir, il t’a fait au revoir avec sa menotte et quand le train a complètement disparu, il a dit tout triste «  ah ! papa parti ! ».
Comment as-tu passé ce long voyage ? Toute la nuit j’ai songé à toi, que nous sommes loin l’un de l’autre ! Quelle distance nous sépare !
Par ce froid les changements de train ont dû être particulièrement pénibles, surtout avec tout ce que tu avais sur le dos ! Mais je t’en supplie ne force pas, la volonté n’est pas tout, songe à Yves !
Nous sommes très bien rentrés hier, il ne faisait pas trop froid. Yves était tout heureux d’être dehors, mais pour moi que ce retour sans toi était pénible.
Ce matin, maman est naturellement de parfaite mauvaise humeur, je ne devrai pas y faire attention mais j’ai déjà le cœur si malheureux que je ressens plus vivement cette petite peine dans ma grande ; lorsque je sais que je vais te voir cela ne me fait pas la même chose. Je n’y prends pas garde mais je suis si seule si loin de toi mon chéri. Je ne devrai pas t’écrire cela ! A quoi bon ! Mais j’ai l’habitude de tout te dire.
Yves est gentil comme tout depuis hier, on dirait le cher petit qu’il comprend ma peine ; il est tout triste aussi lui de ne pas t’avoir.
Peut-être aurais-je le plaisir d’avoir de tes bonnes nouvelles bientôt, de savoir comment tu as supporté le voyage.
Si tu vois que tu vas manquer d’argent, écris-moi le tout de suite, n’est-ce pas.
J’étais trop fatiguée hier pour aller voir Madame Sibaud, mais probablement que j’irais aujourd’hui.
Je te quitte pour ce matin en t’embrassant bien tendrement de tout cœur.

Tout à toi.
Emilie

Mon papa chéri,
Je voudrais bien te voir. J’ai bien du chagrin de ne pas t’avoir près de moi. Je t’envoie mes plus gros baisers.
Ton petit Yves


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