Vincennes, le 25 janvier 1917
Jeudi soir
J’ai reçu à 3 heures ta gentille lettre partie de Milly le 24. Elle a été très vite à me parvenir.
Je vois que vous n’êtes pas mieux partagés que nous pour la température. Il fait très froid.
Ce qui m’inquiète c’est que j’ai peur que tu manques d’argent, tu aurais dû prendre plus dimanche, encore si tu peux venir samedi soir ! J’en serais si heureuse, et bébé Yves aussi. Je vais te préparer de quoi emporter dimanche, et surtout te forcer à prendre plus d’argent sur toi. Je ne suis pas tranquille à l’idée que tandis que je ne manque de rien, toi tu dois peut-être faire face au froid.
Nous venons d’avoir la visite des Gazeau. Edouard était en permission de 7 jours. Il est gros et gras à plaisir on voit (qu’il ne s’en fait pas !). Il aurait été heureux de te voir, il me dit qu’il vient d’avoir des chasseurs à pied que l’on vient de remettre dans l’artillerie chez lui, il aurait bien voulu t’avoir avec lui. Il y en a paraît-il qui n’ont ni blessé ni malade ; cela il en est sûr, il croit qu’il y a encore-là une question qui n’est pas bien assise et qui doit souvent changer pour les changements d’airs des officiers.
Nous venons de recevoir une longue lettre de tante Amélie toujours aussi aimable, elle se demandait où nous étions pour envoyer ses couches, et Marie attendait aussi pour le petit manteau.
Tu es bien gentil de t’inquiéter de ma santé. Je ne suis pas sortie craignant le froid et maman va porter l’analyse demain, pour le docteur je ne tarderais pas y aller, mais je comptais aller voir aussi la doctoresse, de crainte que cela n’arrive le huit. Je vais voir aussi pour le charbon, j’en ai eu hier soir d’en face, et je comptais en avoir bientôt de chez Bernis probablement 100 K de bois et 100 K de boulets que j’ai et au reste de charbon que tu nous a fait porter avant de partir. Nous pouvons voir venir. Demain je vais voir pour faire les petits rideaux de la salle, si tu pouvais venir dimanche, tu nous les poserais. Crois-tu pourvoir venir en permission ? Si cela t’étais possible, je t’enverrais un mandat de 20 et un colis de provisions. Tu as sans doute reçu ma dernière lettre où je t’annonce ton avancement. Je te quitte pour ce soir mon chéri en t’embrassant bien tendrement de tout cœur.
Tout à toi.
Emilie
[Lignes d’Yves] Bons baisers de ton petit Yves.