Lettre du 26 janvier 1917 de Marcel Sibaud

Milly, le 26.1.17

 

Ma petite chérie,
Les jours ou plutôt les nuits se suivent sans se ressembler et ma foi je m’en félicite. Hier soir comme je te le disais, j’ai travaillé nez à nez avec M. le Major lui tenant l’aiguille et moi le porte plume. J’ai abattu de la bonne besogne. Le Docteur est monté se coucher à 9h et moi à 9 heures ½, c’est là que cela devient intéressant. La couverture était faite et il a fallu qu’en montant j’emporte un grand boc d’eau chaude et 1 brique enveloppée. J’ai aussi pu me laver agréablement avant de dormir. Le matin j’avais fait ma toilette dans la rue à une pompe presque glacée, cela ne m’avait pas nettoyé et j’étais transi. Le lit est moelleux assez long pour que je m’étende [On rappelle ici que Marcel mesure 185 cm], édredon volumineux mais très léger chaleur douce. Bref c’est la guerre. Bien dormi naturellement. Levé à 6 ½. Il me reste de l’eau encore dégourdie. Je me relave et me rase puis je file chez notre restaurant où je mange 2 croissants et le café réglementaire. J’oubliais de te dire que le docteur s’appelle Christian et est de Cannes. Le nom d’oncle Emile ne lui est pas inconnu. Mais je me demande s’ils sont bien ou mal. Je n’ai pas parlé de ton oncle.
Ce matin théorie sur le fusil mitrailleur. Le commandant me fait un accueil charmant devant tous et dit que j’avais bien passé le brevet mais qu’on n’a pu le donner à un soldat. Je suis en quelque sorte instructeur auxiliaire. Le commandant à dit que j’avais beaucoup travaillé et beaucoup appris. 1 zouave qui n’a pas non plus été au front est là comme moi la 1ère fois, manœuvrant l’après-midi. Il veut le 12 feux à Valréas. A un autre a été refusé sous prétexte qu’il n’était pas allé au front. Je m’arrête pour le moment car il est l’heure d’aller déjeuner. Peut-être aurais-je aujourd’hui une lettre de toi : l’absence de nouvelles de toi [ ?] force.

Je reprends du retour de la manœuvre. J’ai reçu sur le terrain tes 2 lettres du jeudi. Elles m’ont fait bien plaisir. Je réponds à la première. On m’assure que les autos pour lesquelles on demandait des conducteurs sont des tanks. Merci ! Pour Valréas, on l’a refusé à un sergent que je vois ici parce qu’il n’a pas été au front : on lui a dit qu’il n’y a d’exception que pour les préfets et [ ?] coloniaux. Il y en a une autre pour moi heureusement.
Je partirai en permission demain soir à 3h45. Je suis bien content de savoir que j’ai mon avancement. Je répondrai de Vincennes. Je suis plus tranquille au sujet du charbon. Enfin sois tranquille je ne manque pas d’argent : j’ai à peine entamé mon dernier billet de 20 frs. Je suis content de savoir Edouard en bonne santé et que tu aies reçu une lettre de Clermont.
Je termine en t’embrassant mille fois ainsi que bébé. Amitiés à ta mère.

Ton Marcel


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