Pourquoi ce site ?
Sortir de l’oubli ces lettres, c’est redonner vie à des êtres qui furent de chair et de sang et qui ne sont plus aujourd’hui que légère poussière. Sans eux pourtant nous n’existerions pas physiquement, sans leurs expériences et leurs enseignements nous serions différents de ce que nous sommes, sans leur abnégation et leurs sacrifices nous ne connaîtrions pas le monde tel que nous le vivons. Sans parler de devoir de mémoire, nous devons tout simplement nous souvenir et faire en sorte que ces « lettres » et tout leur poids d’espérance, de joie mais aussi de souffrance et de peine, ne restent pas lettre morte.
De quoi s’agit-il ?
Ces lettres n’étaient pas tout à fait oubliées, disons qu’elles dormaient de ce sommeil qui peut parfois s’éterniser à tel point qu’il s’apparente à l’absence. Oubliées, elles ne le sont plus avec ce site.
Ces lettres sont donc extraites d’une correspondance qui s’étend bien au-delà de 1918 puisqu’elle couvre même la période de l’occupation durant la seconde guerre mondiale.
Alors pourquoi s’arrêter sur cette période de la Première grande guerre mondiale ?
En fait, il s’agit moins d’une correspondance de guerre que de lettres d’amour échangées entre deux êtres qui, à cette époque, vivent déjà depuis un certain temps cet amour et vont le perpétuer encore cinquante années de plus.
Ces lettres d’amour prennent une résonance particulière entre 1914 et 1918 car quasi quotidiennes, elles s’inscrivent dans un triple contexte. Lettres intimes comme des milliers d’autres, elles témoignent de l’intrication du roman familial et du roman national dans le cadre d’un cataclysme mondial. Aussi, ces lettres d’amour couvrent-elles le spectre de tous les amours possibles : amour de l’être cher, amour des enfants, amour du pays, amour d’une fraternité des tranchées. Dans ce court laps de temps objectif, quatre années, mais une éternité pour ceux qui vécurent cette période, ces lettres représentent une concentration d’émotions telle que le 20ème siècle en donnera peu d’autres exemples. Elles sont l’exemple unique dans ce cas particulier de Marcel et d’Emilie, d’un va et vient permanent de courrier facilité par une proximité géographique n’excédant pas trois cent kilomètres, et pourtant révélateur de deux mondes parallèles et incompréhensibles l’un pour l’autre. Le monde du « front » est halluciné et hallucinant, celui de « l’arrière » est un monde normal où une forme de peur et d’angoisse régente la vie de tous les jours de gens ordinaires.
Très loin des polémiques, des prises de positions idéologiques, ces lettres d’un officier réservé par nature et par devoir à sa jeune épouse de vingt-cinq ans dont deux des trois enfants vont naitre durant le conflit, racontent les angoisses et les horreurs de la guerre et de l’attente avec une retenue et une pudeur qui leur donnent d’autant plus de force.
Texte : Eric François – Petit-fils de Marcel et Emilie Sibaud, fils de René et Monique François.