Milly, le 4 janvier 1917
Ma petite chérie,
J’ai reçu en revenant de la manœuvre ta lettre du 3. Décidément le service des lettres s’améliore. Juste au moment où cela va devenir inutile car je dois toujours rentrer à Maisse samedi sauf contre-ordre.
Ce matin le général Parrot est revenu. J’étais avec les sous-officiers à la théorie du fusil mitrailleur, lorsque le groupe des officiers m’a dit d’aller avec l’un d’eux examine un fusil avec lequel je serais plus à l’aise. Là-dessus le lieutenant avec lequel j’étais me dit : vous étiez dans le civil ceci cela etc. démontez-moi et remontez-moi l’arme en donnant des explications sommaires mais suffisantes pour quelqu’un qui ne sait pas. Je me demandais où il voulait en venir. Voulait-il que lui enseigne des choses qu’il ne savait pas ? Mais je ne tardai pas à le voir. Etait-ce pour moi mon examen ? Mon brevet de chef de section étant signé de la veille j’étais tranquille. Mais j’ai fini par comprendre plus tard. Comme je n’avais pas trop mal répondu la veille, on me faisait faire une répétition pour le général. Mais celui-ci n’a fait que passer : il s’est dirigé vers un autre fusil et s’est ainsi adressé à l’un de ceux qui doit aller à Valréas avec moi. Réponses moyennes et à un sergent de zouaves absolument nul. Pauvres zouzous [appellation familière des zouaves] si prisés à Milly. Toujours est-il que le lieutenant a dit au capitaine et au commandant que je m’étais très bien tiré d’affaire. Celui-ci m’a parlé à la sortie. Il m’a dit qu’il me faisait confiance, qu’il avait été indulgent mais qu’il avait vu que j’avais beaucoup travaillé. Il a ajouté qu’il s’en serait voulu de m’empêcher de conquérir des galons de combattant alors que je ne cherchais pas à m’embarquer dans une ambulance ou dans les motos. Enfin il avait trouvé la veille que je m’étais bien débrouillé sur le terrain dans la manœuvre dont il m’avait donné le … Moi donc cela ne vas pas mal. Ce soir j’ai encore commandé la section puis lancé des grenades réelles. Au retour sur l’ordre du capitaine un caporal des chasseurs m’a fait faire de l’instruction individuelle, ce qu’on aurait dû me faire faire à Maisse. J’ai écrit aujourd’hui à M. Lanbel, à Georges et à Devoyod.
Je suis bien content que la lettre de maman t’ait fait plaisir, je suis sur que de son côté elle a été enchantée de te lire ainsi que bébé Yves.
J’écris à M. Gallo en même temps qu’à toi ; comme tu t’en rends compte je n’ai plus besoin de renseignements. Etant chef de section je n’aurai certainement pas d’examen de connaissances générales. M. Gallo, je gage, va être abasourdi de mon succès. Tu es bien gentille de marquer régulièrement les dépenses : tu verras que tu en serais toi-même très satisfaite. Je fais de même de mon côté et suis d’accord. Je suis bien à l’aise malgré l’arrosage de mon brevet puisque mes prêts et mon prêt sont rentrés.
Je suis heureux qu’Yves aille mieux. A bientôt.
Milles baisers.
Ton Marcel