Valréas, le 25 avril 1917
Ma petite chérie,
Encore une journée de longs exercices. 6h ½ du matin à 10h ½ et 12h ½ à plus de 16h ½. Mais journée pas mauvaise. Par 2 fois le capitaine a trouvé bien ce que j’avais fait ; j’en étais émerveillé.
Le bruit court avec persistance que le cours serait prolongé jusqu’au 22 mais de façon que nous recevions à Valréas notre nomination ; ceux du moins qui l’obtiendront. Nous n’aurions pas ainsi à retourner à notre ancien dépôt, au moins d’une façon officielle. Nous aurions toujours nos 7 jours de fin de cours mais cela nous servirait de permission d’équipement. Je ne sais encore si cela est bien exact.
On vient de demander des volontaires pour Salonique : 30, je crois. Une offensive paraît probable de ce côté ; peut-être même est-elle commencée. Les 30 seront, je crois, facilement trouvés ; rien que notre section en fournit 5.
J’ai reçu de Mme Martin une lettre fort aimable ; elle ne veut faire payer que les clichés et le papier ! Je ne saurais admettre cette solution et vais lui dire en lui envoyant les manuscrits. Elle savait par sa sœur que je suis venu en permission : Vincennes est petit ! Elle parle fort gentiment de notre petite poupée et de notre futur soldat.
Je suis comme toi bien ennuyé que Roger ait la rougeole. Je ne connais guère de moyen de préservation. Cependant il me semble que la manière suivante de procéder serait de la meilleure. Naturellement éviter toute visite et même si possible toute conversation à petite distance avec la famille Huet et la concierge, rester le moins possible dans l’escalier ou à proximité de la loge et tâcher que la concierge l’aère largement. Sortir de même les enfants, sans doute les baigner. Peut-être brûler de l’eucalyptus dans les pièces. Au besoin demander conseil à la doctoresse. Mieux vaudrait lui faire une visite préventive que d’avoir à lui demander des visites curatives. Si tu écris à Clermont, tu pourrais aussi demander conseil d’oncle Emile, je le ferai de mon côté. En tout cas, à la moindre inquiétude fais venir la doctoresse.
Pour l’instruction de la classe 1918, il faut en effet être affecté d’abord à un dépôt. Et là il faudrait être devin ou vraiment bien informé pour savoir si à tel endroit on a plus de chance d’y être employé qu’à tel autre. Comme je ne suis ni devin ni si parfaitement informé, sauf erreur, je crois qu’il faudrait s’en tenir à rechercher le 23e colonial pour son dépôt à Paris. Pour cela c’est, si je suis bien informé, une question de Ministère de la guerre et la division des troupes coloniales pourrait très bien me donner cette affectation si elle le voulait.
Nous avons beaucoup discuté avec Bernados la question d’équipement. Je crois avoirs trouvé une solution qui me permettra d’être bien équipé à bon compte. Je crois que je me laisserai aller à prendre une paire de bottes ; il paraît que c’est merveilleux pour patauger dans l’eau, ce n’est pas mal non plus à la ville, tant s’en faut et ce ne serait pas sensiblement plis cher qu’une paire de bons brodequins avec des leggins convenables. On m’a indiqué une maison dont je me ferais envoyer le catalogue, le cas échéant. Si je pouvais aussi trouver d’occasion une cantine en bon état et un sabre, ce serait intéressant, à moins que ton oncle n’en ait un vieux ?…
Je te quitte ma petite chérie en t’embrassant mille et mille fois.
Ton Marcel
Bons baisers aux petits.
Amitiés aux mamans.