Valréas, le 16 avril 1917
Ma petite chérie,
J’ai été surpris de voir que samedi matin tu n’avais pas encore de lettre de moi. Je t’ai pourtant écrit le mercredi soi à l’heure habituelle et depuis régulièrement chaque soir.
Je crois comme on t’a dit que nous sommes à la veille de grands événements. Une importante action, qui me paraissait s’imposer depuis quelques temps, viendrait de commencer et si je croyais pouvoir te dire les objectifs, tu verrais que c’est fort intéressant.
Est-ce à cause des événements ou pour toute autre raison, l’école de Valréas aura vécu après ce cours-ci. Aussi la promotion s’appellera-t-elle de Villantroix, du nom du colonel (au lieu d’un autre nom qui avait été envisagé d’abord). Il était donc temps que je vienne et Devoyod, s’il est pris, n’en pourra faire autant. Il n’y aura plus d’école d’officiers qu’au front.
Aujourd’hui j’ai commandé. J’avais bien vu du 1er coup ce qu’il fallait faire ; mais j’ai eu le tort de me laisser influencer par certaines remarques et j’ai plus mal fait. Je voudrais bien être fixé sur ce qui m’attend et peut-être me déciderai-je à le demander au capitaine. Je voudrais aussi avoir de lui confirmation que les affectations des coloniaux se font au Ministère. Autant que je puisse me rendre compte, on doit pouvoir quitter la coloniale pour aller dans l’infanterie de ligne pourvu qu’on trouve un permutant. Mais jusqu’ici la coloniale ne m’a pas mal réussi et j’aurai peut-être tort de cherche à la quitter. Si tu parles de mon affectation, je te rappelle que je ne suis pas vacciné pour la typhoïde et que certaine opération serait je crois nécessaire. Le capitaine m’a rendu mon carnet encore avec un bien. J’ai beau faire, je crois que crois que je n’arriverai pas au « très bien ».
J’ai reçu un mot charmant des dames Salignons qui m’attendent dimanche et m’annoncent que la plus jeune d’entre elles viendra au devant de moi à la gare. Je vais répondre que je ferai plutôt le trajet à pied pour ne pas arriver en retard.
Que porterai-je ? Fleurs ou nougats ou berlingots. Nous en avons déjà parlé et tu as opiné, je crois, pour les comestibles. Qu’en penses-tu ?
Je te quitte, ma petite chérie, en t’embrassant mille et mille fois.
Ton Marcel
Bons baisers aux petits. Amitiés aux mamans.
Par 2 fois, comme il trouvait que je ne rampais pas assez et risquais d’être vu de l’ennemi supposé, le capitaine m’a dit : « Sibaud, n’oubliez pas que vous avez 2 enfants. Pas de suicide ! ». Je veux croire qu’il ne plaisanterait pas ainsi s’il voulait me recaler ou me faire passer un examen.