Lettre du 4 avril 1917 d’Emilie Sibaud

Vincennes, le 4 avril 1917
Mercredi matin

 

Mon chéri,
J’ai fait faire à notre toute petite sa première sortie. Je suis allée avec elle mettre ta lettre à la poste, hier, j’ai profité du soleil. Elle aimera le soleil, elle s’étendait avec plaisir, elle a été bien sage comme à son habitude.
Par exemple Yves m’a fait passer une nuit blanche. Le pauvre mignon a eu une violente indigestion. Hier au soir à dîner, il voulait dormir, est-cela qui l’a empêché de digérer ?
Son dîner se composait d’une panade, de coquillette, de biscuits, avant d’aller se coucher il a vomit les biscuits et le lait. Je le croyais débarrasser mais à 11h le pauvre petit se réveillait, m’appelait, il avait fait sous lui, une véritable débâcle ! Je le change, il tremblait, pleurait. Je lui mets des bouillottes chaudes. Il me racontait un tas d’histoires, entre autre une marotte, il veut bien que tu sois sous-officier, mais pas sous-officier ! Ça lui avait déjà trotté dans sa petite tête dans la journée. Il avait très chaud à la tête, j’étais très effrayée. A minuit, colique et vomissement, obligé de nouveau de le changer en entier ainsi que son lit. Je l’ai bien réchauffé et couché avec moi, il a fini par s’endormir vers 4h, sommeil un peu agité, il a été encore une fois sur le vase mais il semblait débarrassé. Voilà qu’à 5h, sœurette se réveille et veut téter. Enfin de 6 à 9, sommeil des trois ! Ce matin, on ne dirait pas qu’Yves a été malade, les enfants sont bizarres. Je le laisse complètement à la diète aujourd’hui ; malgré cela et comme il pleut, je ne le sortirai pas, mais quelles émotions ! Il me disait : « Je t’aime ma petite maman, j’ai pas bobo, c’est fini, ça m’a débarrassé, j’étouffais » et puis c’était des « papa ne me grondera pas, c’est pas ma faute, c’est parti tout seul ! J’irai le chercher tout de même à la gare, je n’aurai plus bobo ! Je l’embrasserai. Je lui dirai « bonjour papasonnedat ! Bonjour papa Marcel ! ».
J’ai reçu une longue lettre de Marie, il paraît que l’étoffe du paletot de sœurette, c’est oncle Emile qui l’a donné. Il avait rapporté cela du Tonkin ! Sœurette arrive à point paraît-il comme jeune fille de la maison pour les derniers coupons de soieries.
Je n’ai pas vu ta mère hier, mais elle m’avait fait dire par notre marchande de beurre, qu’elle ne viendrait pas, qu’elle viendrait jeudi en revenant de ses courses. Elle doit aussi aller voir pour ta boussole.
Maman a fait la queue hier de 8h1/2 à midi et sous quel temps : neige, pluie, grêle. Elle a passé bien avant Mme Huet qui a failli se trouver mal, il y avait plus de deux milles personnes ! Le sac de charbon, 4fr95, avec le transport 5fr50, mais à côté de ce que l’on paye 8 et 9 fr et surtout que l’on ne veut pas vous en donner ! Maman retournera mais un peu plus tôt, elle croit gagner beaucoup d’avance, elle a remarqué que tout le monde arrivait à 7h ½.
Ne fait pas attention à mon papier, monsieur Toto voulait t’écrire tout seul sans l’aide de ma main. Il a fini par reconnaître que tu ne saurais pas lire ce « genre d’écriture ! ». Je te quitte mon chéri, à bientôt le plaisir de te lire et surtout de te voir.

Je t’embrasse mille et mille fois. Toto et sœurette t’envoient de bien tendres caresses.
Tout à toi.
Emilie

J’oublie toujours de te dire que maman t’envoie ses amitiés.


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