Lettre du 3 mars 1917 de Marcel Sibaud

Valréas, le 3.3.1917

 

Ma petite chérie,
J’ai reçu aujourd’hui ta lettre chargée et ton gentil paquet. Je te remercie de toutes friandises que contient l’un et du mandat apporté par l’autre. J’étais loin d’être à court d’argent puisque ayant touché mon prêt et payé ma blanchisseuse mais non encore reçu mes galons, il me reste 22 francs. Or je n’ai que 15 francs à donner pour ma chambre. De cette chambre j’use peu en ce moment car il fait assez frais et dans la chambrée il y a du feu. Et puis j’ai pu me coucher un peu plus tôt et je vais le faire encore plus ce soir. La journée aujourd’hui  n’a pas été dure et je me sens bien reposé. Mais je vais quitter le sirop Rami qui me barbouille l’estomac au point que j’en suis dégoûté. D’ailleurs je ne tousse pour ainsi dire plus.
Le capitaine a trouvé que certains ne travaillaient pas aux heures prescrites et il nous a menacés de nous donner plus de travail. En attendant il nous donne à faire un agrandissement de carte qui va encore m’écorner mon dimanche ; il n’y a pas moyen d’avoir un moment de tranquille. Entre autre il y a 2 interrogations lundi. Après déjeuner aujourd’hui il y eu dessin de plein air avec un capitaine cette fois. Un camarade qui n’est pas fichue de mettre 2 lignes d’aplomb était venu à côté de moi pour copier mon dessin ; quand le capitaine est venu voir il lui a dit que ce n’était pas mal, qu’il avait le sens du terrain et de la perspective. Arrivant à moi, il m’a dit que ce n’était pas mal non plus mais que j’avais mis trop de détails que j’étais pointilliste. J’ai trouvé l’exemple tout à fait typique et l’autre l’a colporté pour la plus grande hilarité de tous. Ce qui m’ennuie à travailler dans la chambrée, c’est que voilà encore mes cahiers qui se promènent. Ils se copient tous les uns les autres et le plus drôle c’est que suivant les têtes, le capitaine note à l’un bien ce qu’il a noté moins bien à un autre.
Mais je ne parle que de moi. Comme tu le pensais, j’ai reçu le télégramme avant la lettre recommandée : les petits bonbons que j’ai envoyé sont autant pour toi que pour Yves. Comment va la petite. A-t-elle déjà tété, ne pleure-t-elle pas, est-elle sage ? Et toi n’as-tu pas de fièvre, ne souffres-tu pas ? Yves est-il gentil avec sa petite sœur et ne fatigue-t-il pas sa petite maman ? As-tu parlé à Suzanne ? Pour marraine ?
J’ai hâte d’avoir des détails mais il ne faut pas te soulever pour écrire. Il faut rester bien étendu sans bouger.
Demain je ferai de la correspondance envers et contre tous.
Je te quitte en t’embrassant mille fois ainsi que les deux petits.
Ton Marcel

Amitiés aux mamans.
Tu as dû recevoir le mois au nouveau tarif ?
J’ai déjà mangé du pain d’épices et des croquettes. C’est délicieux. Mes chaussettes sont encore intactes. La boîte de fer blanc était tout écrabouillée.


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