Lettre du 28 février 1917 d’Emilie Sibaud

Vincennes, le 28 février 1917
Mercredi matin

 

Mon Chéri,
Je suis bien ennuyée de te savoir enrhumé, ce doit être samedi que tu as attrapé cela ; peut-être pourrais-tu prendre de l’huile où voir le major, il ne faut pas rester sans te soigner.
Hier nous avons eu la visite de Suzanne et de ma tante, elles ont apporté pour le petit attendu un amour de petit bonnet tulle et taffetas avec fond en guipure [étoffe tissée de manière à rappeler la dentelle] et valenciennes , garni de minuscules petites roses, pâles en mousseline de soie, ma tante tricote des petits bas et des petits chaussons. Mon oncle s’excuse de ne pas avoir encore répondu, il a été très heureux de te lire et va t’écrire un peu longuement et doit, ou il a, je n’ai pas osé le faire répéter, écrire à ton capitaine pour savoir pour les promotions et la sortie comment cela se passe. J’aurais préféré lui parler à lui personnellement mais je crois qu’en tout les cas, il n’est pas tête à faire de lui-même des demandes qui puissent te nuire. Je leur ai dit que les propositions pour les grades allaient au ministère. Elles ont passé une bonne partie de l’après-midi avec nous au paravent, j’étais allée avec Yves faire une petite promenade. Monsieur Toto a fait une bonne partie avec son chariot et sa grande pelle […].
Je n’ai vraiment pas de tête, hier je te dis que je te mets ce que j’avais écris au docteur, et je m’aperçois que je l’ai laissé sur le secrétaire. Je te mets le mot aujourd’hui.
Tantôt je vais te mettre un mandat de 50 fr. mais je n’ai pas voulu ne pas t’écrire ce matin croyant que la lettre mise après 12h45 ne te parvienne pas aussi bien. Tu recevras au plus tard l’argent samedi. Si toutefois l’événement se produisait d’ici là, et que tu puisses malgré tout venir à Vincennes, ce que je ne conseille pas avec ce rhume, attends pour venir de l’avoir touché, car je craindrais que ta lettre ne te retrouve pas quoique je la mettre en recommandée.
Suzanne m’a encore dit au nom de son père que tu lui demandes si tu as besoin de quelques renseignements et que tu n’hésites pas si tu vois quelque chose qui ne te paraîtrait pas très clair. Que tu n’hésites pas à lui écrire, j’ai dit le nom de ton colonel.
J’ai reçu aujourd’hui la lettre de Devoyod, il en a joint une pour toi que je m’empresse de joindre à la mienne.
Hier mardi nous avons eu la visite de ta mère.
Pour moi c’est toujours la même chose, je pense retourner voir la doctoresse demain jeudi. Je crois d’ailleurs qu’il n’y a rien d’anormal, je ne me sens du reste aucunement souffrante enfin aussitôt nous t’enverrons une dépêche, et une le lendemain pour te tenir au courant. Toi-même si tu peux venir fais nous le savoir par dépêche, les lettres sont si longues à parvenir.
J’espère qu’aujourd’hui tu te sens moins mal en point, et n’es-tu pas trop gêné pour marcher. Je pense souvent que tu dois être incommodé de ce côté-là.
Madame Sibaud a vu Mme Drahonnet, mais à ce que je vois elle n’ guère de détails ; il paraît que le commandant écrire à M. Codechèvre et lui indiquera où il pourra le voir.
Yves a été très gentil avec Suzanne, il ne voulait plus la quitter, il a même un peu pleuré lorsqu’elles sont parties. Justement hier les soldats étaient en parfait état alignés sur le coffre de la salle.
Je m’en vais te quitter pour ce matin, mon chéri, en t’embrassant bien fort. Je fais des vœux pour que tu ne souffres pas trop de ce vilain rhume, tu n’en avais vraiment pas besoin, tu avais assez de le fatigue.
Je serai bien contente d’avoir des cartes de Valréas, de voir un peu où tu vis. Au revoir mon aimé, à bientôt le plaisir de te lire, d’avoir de tes nouvelles qui je l’espère seront meilleures qu’aujourd’hui. Encore de bons baisers.
Tout à toi.
Emilie

[Yves]
Mon papa chéri,
Ça me fait de la peine de te savoir enrhumé, ça fait bobo quand on est enrhumé. Je vais être si sage que tu vas guérir sûrement.
Ton petit poulet qui te serre la tête dans ses petits bras pour t’embrasser bien fort.

[Lettre au docteur]
Cher docteur,
Nous sommes de retour à Vincennes depuis quelques temps. Je comptais toujours aller vous voir, mais les grands froids que nous avons traversés m’ont empêché de mettre mon projet à exécution. J’avais aussi beaucoup à faire et j’ai été assez troublée par le départ de mon mari ; il est pour le moment à Valréas (école d’officiers de réserve) où il est très surmené. Je veux espérer qu’il supportera toute cette fatigue et que sa santé ne souffrira pas trop. Nous nous trouvons seules ma mère et moi, si l’événement attendu a lieu le jour cela sera facile pour vous prévenir mais si comme pour bébé Yves, cela se présente la nuit (nous avons bien regardé autour de nous) nous n’avons personne pour vous prévenir. Maintenant que vous n’avez plus le téléphone et surtout avec les moyens de transport qui s’arrêtent de si bonne heure, j’ai été voir pour ce cas, la doctoresse qui m’a soignée pour Yves et je puis compter sur elle.
Je pense aller vous voir ces jours-ci.
Veuillez agréer cher docteur l’expression de mes sentiments les meilleurs.
Yves vous envoie ses baisers les plus affectueux.


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