Lettre du 26 février 1917 d’Emilie Sibaud

Vincennes, le 26 février 1917
Lundi matin

 

Mon chéri,
J’ai communiqué à Yves tes compliments auxquels il a été très sensibles, hier il a dit à ta mère que tu allais être « général » ! légère erreur !
Le temps s’étant maintenu beau hier après-midi, j’ai été jusqu’à St-Mandé. Toto te racontera du reste sa promenade dans sa petite lettre.
Je vois qu’Argena ne t’oublie pas, je crois que personne ne tient à Salonique. Je vois que lorsque c’est un point qui l’intéresse M. Codechèvre est un peu plus causeur. Je vais écrire ces jours-ci à Madame Codechèvre pour lui demander de ses nouvelles et ce qu’il est advenu pour son fils.
Pour M. Drahonnet je sais seulement par sa femme qu’il a été blessé deux fois, la première fois plus gravement. C’est là qu’il a eu la légion d’honneur. Je sais aussi comme je te l’ai dit qu’il va être affecté au ministère de la guerre désormais, qu’ils vont aller habiter Paris. En tout les cas j’en parlerai à ta mère.
Je suis bien contente que ton croquis panoramique est été noté bien.
A propos de température quel temps avez-vous là-bas ? Ici il ne fait pas froid du tout, de temps en temps un peu pluvieux voilà tout
J’écris au docteur, lettre d’ailleurs un peu évasive. Je vais retourner voir la doctoresse. Je crois que ce bébé-ci fait comme Yves, il se fait attendre. Je veillerai à ce qu’on le pèse. Son petit moïse [berceau portatif en osier capitonné] est là qui attend, bien douillet… Yves m’a beaucoup aidée…de ses conseils.
Je peux très bien si cela te plaît te prendre une petite lampe au bon marché par exemple où certainement il y aurait des piles de rechange.
Moi aussi, mon chéri, je regrette bien ton éloignement, ta présence aurait été pour moi, dans ce moment douloureux, un réconfort ; enfin que veux-tu, nous ne pouvons rien y échanger. Si seulement tu pouvais venir, il est vrai que d’un autre côté ce n’est pas sans effort que je vois les longues fatigues que tu auras pour si peu de temps parmi nous. Si l’événement tarde encore tu ferais peut-être mieux de […] ceux de Pâques, enfin tu verras ! Je te quitte mon chéri en t’embrassant bien tendrement.
Tout à toi

Emilie

Lettre d’Yves
26.2.1917

Mon chéri papa,
Pan ! J’ai fait beaucoup de choses hier, j’ai été aux chevaux de bois, à la voiture aux chevrettes, à Guinol. J’ai goûté une gaufre. Il y avait un petit garçon qui avait son papa sonnedat qui me prenait pour une petite fille mais je lui ai dit que j’étais un garçon et que j’avais moi aussi un papa sonnedat mais beau, beau avec un barda, un gros sac, des musettes grosses, grosses.
On a pris le train à Guinol. En rentrant j’ai vu grand-mère Sibaud. J’ai pas dormi dans la journée. Je suis un jeune homme. En rentrant j’ai mis le petit tablier que ma maman m’a fait toute seune [seule]. Je l’ai mis. Je pense bien à toi. Je sais mes doigts de la main : le « poute », l’index, le major [majeur], l’annulaire, l’auriculaire, le « tout petit » comme toto.
Au revoir mon papa chéri.
Ton petit Yves


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