Lettre du 23 février 1917 de Marcel Sibaud

Valréas, 23.2.1917

 

Ma petite chérie,

C’est à Toto que je dois faire les honneurs de mon début ; sa petite lettre était tout à fait gentille et pleine de bons sentiments. Tu lui diras que papa presque caporal apprécie beaucoup son désir d’apprendre et sa sagesse.
J’ai reçu aujourd’hui une aimable carte d’Argena qui surtout me déconseille Salonique.
Aujourd’hui j’étais chef de ½ section dans les tranchées ; tranchées presque trop vraies car il y avait de l’eau, ce à quoi le capitaine paraît tenir beaucoup. J’en ai été quitte pour changer de souliers en rentrant. J’ai parlé au capitaine de M. Drahonnet, il a été enchanté d’avoir de ses nouvelles et m’a demandé force détails que maman pourra peut-être savoir sur son affectation, ses blessures, l’endroit où il pourrait se voir à Paris.
On a rendu aujourd’hui les croquis panoramiques ; je suis le seul à avoir un bien et pourtant ce n’était pas fameux, j’ai fait mieux !
Je suis agréablement surpris des températures merveilleuses que vous relevez. Cela me tranquillise pour l’événement qui doit être bien proche. As-tu écrit au docteur ? As-tu revu la doctoresse, as-tu fait refaire une analyse ? Pas plus que toi je ne me suis douté du mardi gras. J’achète d’ailleurs le Matin chaque jour et jamais je ne peux seulement le regarder. Hier j’ai pu me coucher avant 9 heures, mais je crains fort que mon croquis d’église dimanche soit fort compromis.
Pourvu que le voyage à Auteuil ne te fatigue pas trop. La Ceinture dans ton cas me paraît ce qu’il y a de mieux en effet.
Je ne couche pas dans ma chambre, le coucher dans la chambrée est obligatoire au moins pour les nouveaux. Je n’ai même pas de lit dans ma « crèche ».
Je n’ai pas encore pris de pantoufles. Peut-être y viendrai-je mais jusqu’ici avec mon alternance de souliers j’ai pu m’en passer. Je les trouverai peut-être dimanche. Le changement de chaussures est encore aggravé par le treillis. Pense que nous le portons par-dessus la culotte de drap ; cela finit par faire des mollets sous les bandes.
Situation de caisse : 35 frs 50.
Mes bandes molletières sont encore très fraîches car je les brosse bien. Jusqu’ici je n’ai pas eu de difficultés pour le blanchissage le donnant le dimanche soir… Tu me félicites pour mon vin blanc, mais comme je te l’ai dit, je vais peut-être y renoncer.
Pour ce qui est de la lampe, j’attendrai car ceci c’est aussi du fignolage. En tout cas son prix ne saurait je crois dépasser 5 ou 6 francs, dans ma garnison l’on serait sûr de trouver des piles de recharge. Je t’ai déjà répondue pour le liseur de cartes, remis à plus tard aussi.
Si tu as pu peser bébé, je serais heureux de connaître le résultat. Je suis émerveillé qu’il arrive maintenant à manœuvrer le bouton électrique. Comme il a grandi, le petit diable !
Tâche aussi qu’on pèse le nouveau né.
L’appel va bientôt sonner, je te quitte en t’embrassant mille et mille fois ainsi que Toto.
Ton Marcel

Amitiés aux mamans.
Quand je pense que tu vas peut-être recevoir cette lettre avec un bébé de plus ! Pourvu que tu ne souffres pas trop ! Comme je regrette d’être si loin.


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