Lettre du 19 février 1917 de Marcel Sibaud

Valréas, le 19.2.1917

 

Ma petite chérie,
Encore une journée passée et pas trop mal. Ce matin temps frais ; il souffle un petit mistral mais il fait beau. Avant déjeuner, j’ai reçu ta lettre, donc bon début. Mais tu me dis que tu n’étais pas entrain ; rien de grave, j’espère ?
Il est vrai que l’échéance approche.
Pourvu que tu ne souffres pas trop ! As-tu écrit au docteur ; il faudrait autant que possible éviter de le froisser. Pour m’annoncer la nouvelle l’adresse à mettre sera Sibaud Ecole Valréas Vaucluse. En faisant la déclaration je ne sais pas si en outre je ne serai pas reçu officiellement et gratuitement par la Mairie. Mais je n’ose te laisser espérer ma venue, j’ai bien du mal à me maintenir à jour et pourtant je t’assure que je ne chôme pas, je consulterai là-dessus le capitaine.
A ce propos, me voici repéré par le colonel. Il est venu aujourd’hui à la manœuvre assez dure d’ailleurs. Nous étions au repos. Aussitôt arrivé, il m’a appelé et m’a dit « M. Sibaud j’ai l’impression que vous vous êtes très bien tiré d’affaires l’autre jour sur le terrain. Je ne me rappelle plus en quelle occasion ! » Je lui ai répondu « Mon colonel, c’est quand vous avez bien voulu m’interroger ». Là-dessus il m’a dit « pas besoin de bien voulu ! » Pui il m’a demandé ce que je faisais, le genre de travail de la caisse ; mes explications ont paru l’intéresser et il m’a causé au moins 5 minutes en présence du capitaine. Après m’avoir recommandé d’abandonner toute vanité, à quoi j’ai répondu que je n’en avais aucune, il m’a dit que certainement le capitaine Codechèvre ferait de moi un excellent officier. Alors le capitaine lui a dit que nous nous connaissions de longue date, que nous avons joué ensemble.
Ce matin interrogé par le capitaine, je n’ai pas mal répondu ; en somme je crois que je prends de l’assiette. Mais quel régime ! Jamais je n’ai eu mes moments aussi comptés à une minute près.
Je viens de recevoir un mot d’oncle Auguste, mot quelconque.
Je te quitte ma petite chérie. Je t’en prie ne te fais pas de tel songe qu’en somme tant que je suis là, il n’y a rien à craindre. Et ma foi, qui sait si je ne ferai pas un mois de plus, soit que je sois trop nul soit que le capitaine pense que je pourrais lui être utile.
Reçois mes meilleurs baisers.
Ton Marcel

Mon petit Toto,
Je suis bien content de savoir que tu es sage ; il faut l’être de plus en plus pour faire plaisir à ta petite maman qui se tourmente. Il faut aussi l’être pour donner le bon exemple au petit frère ou à la petite sœur que tu connaîtras avant papa. Les petits mots que tu m’écris avec la main de maman me font bien plaisir et je t’embrasse dans ton petit cou de poulet.
Ton papa soldat


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