Vincennes, le 25 janvier 1917
Jeudi matin
Mon cher Marcel,
Je viens de recevoir ta lettre m’annonçant que tu quittes Maisse pour Milly. Je ne vois pas très bien pourquoi on te recevrait mal là-bas ! Ce qui m’ennuie c’est de te savoir aux intempéries, par un froid pareil.
Au sujet de Valréas, décidément nous ne serons jamais fixés, ça me fait encore plus regretter les autres ; pourvu que tu puisses venir dimanche à Vincennes.
Je viens de recevoir une lettre de Devoyaud pour toi. Je l’ai ouverte, il t’annonce ton avancement en ces termes « un mot de la haut pour vous annoncer la bonne nouvelle, les 9 restant au tableau sont tous passés, vous en serez étonné, et nous aussi ! Surtout que les autres classes sont loin, et été aussi favorisées. Dès que l’ordre de [?] sera tiré, je vous le ferais parvenir » etc. Je ne te mets pas la lettre, craignant qu’elle se perde ou qu’elle ne t’encombre.
Je t’ai écrit une lettre hier 24 pour Milly, j’espère que maintenant elle t’est parvenue. Je pense toute la journée à toi mon chéri, par ce temps froid comme les nuits doivent être dures. Ici il fait toujours du gel et du beau soleil.
J’ai reçu hier au soir deux sacs de superbes boulets d’en face. J’espère que nous serons loin de manquer de charbon, le plus malheureux c’est que tu n’en as peut-être pas.
Avant de quitter Maisse, tu n’as peut-être pas encore reçu ma lettre du mardi 23, peut-être te suivra-t-elle ? Tous ces changements sont bien ennuyeux.
As-tu eu des nouvelles de Rechaud et Morel ?
Peut-être aurais-je le plaisir de te lire demain et de connaître un peu ton installation à Milly. Je n’ose pas trop espérer, car tu as dû avoir beaucoup à faire en arrivant.
La maison est bien vide sans toi, Yves me cause de toi souvent. Nous faisons maintenant de vraies conversations tous les deux. Il est toujours bien sage pour le moment et fait « le facteur des soldats » avec son petit panier en guise de sac. Il porte des lettres, inutile de dire, à « Monsieur Sibaud », papa soldat. Comme tu nous manques. Mon Dieux, quand cette guerre finira-t-elle ? Quand serons-nous réuni dans notre chez nous avec le calme enfin revenu ? Les communiqués ne disent pas grand-chose !
Je te quitte pour ce matin mon chérie, espérant que tout s’arrangera pour le mieux en ce qui te concerne. Je t’embrasse bien tendrement.
Tout à toi.
Emilie
[Ligne d’Yves] Bons baisers. Je suis bien sage. Yves