Lettre du 24 janvier 1917 au soir de Marcel Sibaud

Milly, le 24.1.17

 

Ma petite chérie,
C’est de chez Mademoiselle Lacroix que je t’écris ce soir. Avant tout que je te dise qu’elle m’a demandé de tes nouvelles et m’a dit qu’au point où tu en es il faut faire des analyses tous les 8 jours, surtout avec ce froid qui peut amener la congestion du rein et de l’albumine. Il faudrait même a-t-elle ajouté que tu évites de sortir par le froid vif que ces bons conseils ne t’empêchent pas d’aller faire au docteur la visite qui s’impose. Ceci dit voici le résumé de la journée. J’ai eu ce matin le plaisir de te lire, mais j’ai été surpris que tu n’aies pas reçu ma lettre. Pour qu’elle allât plus vite je l’avais cependant remise à la poste et affranchie. J’espère que tu l’as maintenant ainsi que les suivantes. Quand auras-tu celle-ci qui vient de Milly ; je me le demande. Je me demande aussi quand j’en recevrai ici. J’ai pu faire porter mon sac par la voiture (0fr.25) après un trajet effectué inutilement jusqu’à la gare. Je suis parti vers 3 heures avec 2 sergents pour Milly. Froid vif, nos moustaches sont pleines de glaçons. Mais c’est très supportable. A l’arrivée je trouve un lieutenant qui me reconnaît et me dit que je pourrai loger avec les sous-officiers et manger avec eux. Cela me plaît en principe. Mais j’ai pu voir à Maisse combien il est difficile de faire quelque chose dans ces conditions. Je tâcherai d’en faire mon projet à Milly. A vrai dire le couchage est plus mauvais que celui des soldats. Jusqu’ici / j’espère obtenir mieux demain ; nous avons une mince paillasse pas de traversin, des sacs de couchage sales. Mais la pièce à des carreaux. Il est vrai qu’on n’y voit pas de cheminée et que l’odeur n’est pas fraîche. Enfin c’est la guerre. Il paraît que nous sommes arrivés un jour trop tôt. Mais on nous fait place tout de même. Maigre pitance je vais entamer sans doute le pâté. Nous prenons à tour de rôle un litre de cidre pour 5 et nous payons 0fr.25 à la …. Après dîner, j’explique que j’ai une chambre et je vais t’écrire.

Je termine en t’embrassant mille fois ainsi que bébé.
Ton Marcel


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